Cela peut sembler incongru tant la série phare de Karen Marie Moning est décriée (à raison) pour son sexisme et son univers prônant la culture du viol, mais j’ai grandi avec ces livres. Pour beaucoup c’est Harry Potter, mais ma propre découverte des mondes littéraires ensorcelants s'est faite plus tard, avec des ouvrages à peine moins enfantins. Je n'ai pas suivi les parutions des opus du sorcier à lunettes du collège au lycée, j'ai plutôt appris à lire en anglais du lycée à l'université dans les rues de Dublin (notamment pour savoir MAIS QUI MEURT A LA FIN DU TOME 4 ?!), avec une héroïne rose qui ne me ressemble en rien, mais dans laquelle je peux me retrouver encore aujourd'hui. MacKayla Lane est un personnage qui se remet perpétuellement en question, qui sait quand se battre et quand se laisser flotter, qui connaît ses valeurs et fait tout pour ne pas y déroger, quand bien même les circonstances surnaturelles ne l'y aident pas. Il y a des tas de choses à reprocher à Fièvre Noire et ses suites, et c'est aussi parce que je suis lucide des problèmes de ces romans que je peux consciemment dire que malgré tout, j'y suis très attachée. Certains se sentent chez eux dans la salle commune des Gryffondor, en ce qui me concerne c'est sur le Chesterfield à l'arrière de Barrons, Books&Baubles. La saga des Fièvre est ancrée en moi, et même si un jour je perds le plaisir de les relire (jamais), il reste qu'une partie de moi s'est construite avec et en opposition à ces livres. Autant vous dire qu'en ce qui concerne la qualité des livres depuis Shadowfever, je suis plutôt dans le déni. J'ai bien aimé le sixième opus, premier spin-off, Iced (même si on est loin des sentiments provoqués par les 5 premiers livres). Je garde un souvenir amer de Burned et Feverborn, et si j'ai eu un petit coup de cœur pour Feversong, c'est bien parce que KMM reste KMM, et qu'elle sait toucher là où ça fait mal pour clôturer ses cycles. Mais je reste toujours à l’affût d'une nouvelle parution, avec la même impatience, et surtout le même espoir de retrouver la magie du premier cycle. Pourtant, après ma lecture de High-Voltage, acheté le jour de sa sortie parce que je suis aux US et que c'est vraiment trop cool de pouvoir se le procurer en hard-back, d'aller en librairie et de le voir me tendre les bras, de pouvoir me replonger directement dans ce monde post-apocalyptique si familier, il me faut faire une annonce qui me fend d'ores et déjà l'âme en deux (aucune exagération dans cet article) : les Chroniques de MacKayla Lane et de Dani Mega O'Malley sont définitivement mortes, piétinées par les mots mêmes de l'autrice qui les a mises en place. Oui, ce sont ses personnages, sa mythologie, elle en fait ce qu'elle veut. Mais si dans les tomes 6 à 9 il manquait la magie, c'est ici le noyau de sa série qui a été renié par Karen Marie Moning. Comme si elle avait oublié ce qu'elle avait déjà écrit. Dani, qui avait une sacré étincelle en elle, devient une adulte "banale" avec un passé douloureux et des super-pouvoirs, dont un qui lui tombe littéralement du ciel. Ryodan, qui avait déjà le problème d’être une copie-carbone de Barrons, devient un mâle alpha mielleux, culture du viol toujours présente, voire même magnifiée, mais en plus maintenant il écoute Miley Cyrus (je n'ai rien contre les gens qui écoutent Miley Cyrus, sauf que quand on construit pendant des centaines de pages le cliché de l'homme fort, mystérieux et ténébreux, on ne lui fait pas écouter de la pop commerciale et déclamer son amour toutes les 50 pages). Et Dancer. Dancer prend tellement cher. La lettre que trouve Dani écrite par sa main m'a déchirée le cœur, non pas d'émotions pour la situation, mais parce qu'elle n'est là que pour donner à la jeune femme une excuse pour passer à autre chose sans aucune culpabilité (et de manière bien maladroite, "J'ai toujours su que tu nous aimais tous les deux. Je suis fatigué, alors je vais arrêter cette lettre." ; je n'exagère même pas). Mais ce n'est pas tout. Alors que les personnages passent définitivement du statut de compagnons d'aventures pour le lecteur à feuilles de papier sur lesquelles on colle toutes les caractéristiques des personnages, en insistant bien sur leurs physiques de dieux grecs qui te donnent un orgasme rien qu'en les regardant, le scénario aussi pâtit. Enfin. Si tant est qu'on puisse dire qu'il y a un scénario. Il ne se passe strictement rien pendant 150 pages, et puis finalement, on nous colle un ennemi lambda, qui est défait en 3 pages. Ouah. Ça fait mal. Pendant ce temps, on se concentre sur la romance la plus bateau et clichée du monde, bien loin des quelques 2000 pages de pur bonheur avec MacKayla et Barrons. Et on nous sert même le coup de la destinée : des milliers d'années qu'il l'a attendu, rendez-vous compte ! (C'est fou d'ailleurs comme dans les romances ce sont toujours les hommes qui attendent les femmes...que ceux qui pensent encore que les romances sont des histoires simplement innocentes et que leur surconsommation ne créé pas d'attentes irréalistes me fassent signe, j'ai des choses à dire). Donc voilà. En 5 livres, on est passé de monument de l'urban fantasy à une mauvaise romance paranormale. Je pourrais encore développer, mais le principal a été dit. Je suis triste. Et malgré tout, je n'arrive même pas à me dire que cette fois-ci, c'est bel et bien fini. Quand bien même j'ai parfois souri, quand bien même Dublin post-apo me parait toujours aussi bon, c'est fini. Si Karen Marie Moning vous fait encore de l'effet, profitez-en bien. Moi je m'en vais faire mon deuil.
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