Il était une fois, moi qui regarde la bande-annonce de Love Between the Covers.
Il s’agit d’un reportage sur la romance en littérature, genre très féminin qui brasse des milliards chaque année. Autant dire que peu importe le mépris que suscite généralement ces lectures, c’est un genre qui pèse. Beaucoup. Si je n’ai pas vu le documentaire en entier, le commentaire d’une auteure à la trentième seconde de la bande-annonce m’a particulièrement interpellé :
« I believe that it’s in popular fiction that we preserve our culture’s core values. »
Ou, Je crois que c'est dans la fiction populaire que nous préservons les valeurs principales de notre culture.
Autant dire que cette phrase, j’y pensé. Et qu’elle me remplit d’espoir autant qu’elle m’inspire de la méfiance. Parce que oui, peu importe la fiction, qu’elle soit engagée ou non, ses personnages et son histoire véhiculent certaines valeurs. Sa chute peut valoir de morale (particulièrement dans le genre prolifique de la jeunesse). Socialement engagée ou pas, réaliste ou fantastique, contemporaine ou historique, les auteurs transmettent toujours un message, aussi petit soit-il, au travers de leurs écrits. Par l’approbation tacite de certains comportements, ou la condamnation d’autres (au travers de divers moyens narratifs), par la dénonciation de certaines situations ou la présentation de différentes réalités, une belle histoire développe et met sous les feux des projecteurs une culture, des convictions. Lire de la fiction, vu parfois comme unsimple divertissement solitaire, c’est aussi se rapprocher des autres. Cela permet inconsciemment de développer ses intérêts, de reconnaître ce à quoi on accorde de la valeur (ou pas), et est grandement utile une fois quitté le monde des mots. Lire devrait permettre à chacun de devenir meilleur, de repousser, doucement mais sûrement, l’obscurantisme et la bêtise. De préserver une culture tolérante, humaine, éclairée. Je devrais donc être rassurée de savoir que les auteurs de fictions ont conscience de ce pouvoir très particulier qu’ils ont. Le problème, c’est que les convictions développées par l’acte de lire ne sont pas toujours de cet acabit, et dépendent grandement de la fiction que l’on tient. Et c’est là que j’en reviens à la romance (mais pas que), puisqu’en tant que lectrice de ce genre, je suis souvent gênée par le fond de l’histoire que j’y trouve. Je pourrais parler des ces fictions souvent orientées sur une société blanche (et en oubliant totalement ceux qui ne s’y retrouvent pas). Omettant complètement les sexualités autre qu’hétéro (à l’exception du meilleur ami gay ; quasi toujours un homme, et surtout pas trop sur le devant de la scène). Et usant et abusant du sexisme et de la culture du viol pour rajouter de l’histoire sans aucun recul sur leurs effets. Petit aperçu de ce que j’ai lu dans ma dernière romance : «N’oublions pas qu’un garçon de son âge a parfois besoin d’assouvir des pulsions qu’il a du mal à maîtriser ».
Puisque pour être un auteur, il faut être lu (pour ne pas dire vendre), il est probablement plus aisé de ne pas trop bousculer le lecteur, de le maintenir dans un univers et une culture connus et/ou reconnaissables (de manière générale, si on aime bien l’originalité, il est toujours plus délicat de sortir complètement des sentiers battus – il n’y a qu’à voir la "curiosité" avec laquelle est généralement considéré l’art contemporain (je plaide coupable)). Alors oui bien sûr, il y a tellement de livres sur le marché qu’on trouve toujours des exceptions (voire plus que des exceptions), mais ceux là sont rarement mis en valeur. Comme pour le cinéma hollywoodien, pour attirer le plus de consommateurs possible, on propose des schémas et des codes usées jusqu’à la corde. Certains sont positifs, inoffensifs, ou alors au contraire malsains, comme ceux cités plus haut. Comme pour tout le reste, beaucoup de lecteurs intègrent, lecture après lecture, ces codes comme s’ils étaient normaux, réels.
Alors au choix, on l’ignore consciemment ou inconsciemment, ou on prend du recul, on analyse toutes les pages, et on relève tout ces petits détails qui dans le livre sont en désaccord complet avec la réalité. C’est le risque de perdre un certain plaisir de lecture contre le développement de ses idées propres (heureusement, on y gagne un autre plaisir). C’est se battre contre une culture rétrograde que certains conservateurs voudraient voir perdurer. Un peu plus loin dans cette fameuse bande-annonce, une auteure explique peu ou prou que la fiction n’est pas la réalité, que la fiction est un désir, que la fiction est un rêve. Alors oui, dans tous les cas, ce n’est pas la réalité. Mais pour trouver la fiction qui représente un désir sain, un doux rêve, ça demande du temps. Trouver un livre qui délivre des valeurs humaines et actuelles, ça demande des efforts. On ne peux pas rester passif. Pour que notre culture reste en bonne santé, mieux vaut faire attention aux lectures que l’on avale. NB : j'ai ici principalement parlé de la romance parce que j'en lis et surtout parce que c'est un documentaire sur ce genre qui m'a amené à ces réflexions, mais je généralise bien à tout type de fictions :)
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