J'écris cette chronique tout juste à la suite de celle sur Prélude, et je viens de réaliser que là où Suanne Laqueur veut nous présenter un conte de fées détruit par l'horreur, Katherine Arden et son The Bear and the Nightingale narrent les horreurs d'un conte de fées. Force est de constater que le deuxième a nettement mieux fonctionné avec moi. Bon nombre de chroniqueurs ont crié à la Mary-Sue, à l'ennui dû à la longueur, ou aux incohérences au niveau du rythme. Ce à quoi je réponds oui, oui et oui. Le roman suit l'histoire de Vasya, de sa naissance jusqu'à ses 14-15 ans. La mère de la fillette savait qu'elle mourrait en lui donnant naissance, mais elle descendait elle même d'une lignée touchée par la grâce (ou l'epicness, ou la magie, au choix) et savait que sa fille hériterait de ces dons. Elle choisit donc la mort pour lui donner une vie exceptionnelle. Exceptionnelle, elle le sera. The Bear and the Nightingale se déroule dans une Russie médiévale et fantastique, et la petite Vasya s'inscrit particulièrement bien dans cette ambiance, puisqu'elle à la capacité très rare de double vue, de voir les esprits des rivières, des forêts, des foyers (etc). L'ambiance proprement magique, digne d'un conte de fées (on y est), est très bien rendue. Vasya est forte et courageuse, et ses liens avec les esprits vont lui permettre de développer toujours plus de compétences, d'exceller dans tous les domaines (ouuuh, Mary-Suuue). Du coup, oui, il y a une chape de magie très lourde, on suit notre héroïne évoluer, lentement, sans plus de scénario (pendant longtemps en tout cas). On la voit interagir avec sa famille, sa belle-mère (elle aussi avec le don de double vue, mais qui la considère comme une malédiction), ce qui est à la fois très chaleureux et en même temps très superficiel. Mais tout cela se justifie par le parti pris de l'auteur, celui de réinterpréter des mythes et légendes russes, sur leurs terres, en donnant corps à toute la magie hivernale et féerique qu'ils contiennent (enfin je suppose, je n'y connais rien en légendes russes). Le plus important reste l'ambiance. Et l'évolution de Vasya pour qu'elle devienne une adulte de légende (j'ai TELLEMENT hâte de lire la suite). Donc non, non et non. Pas de Mary-Sue, simplement un mythe qui se construit. Pas de lenteur, c'est l'ambiance qui se met en place dès le premier chapitre (j'ai peu de lecture saisonnales...mais là quand même, ça crie l'hiver). Pas de défaut de rythme, il faut bien que les conflits mis en place au fur et mesure du récit se résolvent à un moment. D'autant qu'en plus de cet univers qui vous saisit, de ce folklore qu'il faut découvrir (j'ai beaucoup aimé la Mort), Katherine Arden n'oublie pas de construire le reste. Si Vasya grandit dans la forêt magique de sa naissance, sa destinée l'amènera à la quitter. La politique moscovite est esquissée, la religion prend aussi une part importante dans le récit, au travers d'un personnage très agréable à suivre et que j'espère recroiser. Face au panthéon de créatures païennes présenté, j'avais peur que l'histoire ne piétine la chrétienté orthodoxe, tombant dans le manichéisme, mais non, l'auteure gère très bien la dualité des croyances. En bref, une ambiance glaciale et chaleureuse, de très beaux conflits, et une héroïne qu'on voit se développer. Je pressens que le prochain tome, The Girl in the Tower, changera de tons, mais j'y vais les yeux fermés. The Bear and the Nightingale est une très bonne lecture. A lire si : - vous aimez les ambiances conte de fées - vous ne craignez pas les récits construit autour d'un seul personnage, les autres ne faisant que graviter autour - vous chercher un roman à lire au fond de votre lit
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Prélude, en VO The Man I Love, par Suanne Laqueur. Avec une auteure au nom si sirupeux, je ne devrais pas être étonnée d'avoir ouvert un livre aussi sucré et lourd. Pourtant, j'y croyais. Je me sens finalement presque trahie, rarement un livre m'a autant énervée (le dernier devait être Quand la nuit devient jour de Sophie Jomain). Parce qu'il y a de très bonnes choses à sauver, et je ne dis même pas ça pour être sympa et trouver des points forts (parfois, je fais ça, j'avoue, parce que je n'aime pas complètement défoncer un bouquin). Il y a une ambiance dans ce livre. Le lecteur entre dès le 2e chapitre dans le monde du spectacle, de la danse, et de la technique. Déjà, j'ai trouvé ça excellent de mettre sous la lumière les gens en coulisses, parce qu'on les oublie souvent, alors que le travail fait est incroyable. Que tous les personnages évoluent sur ou non loin de la scène permet de créer un sentiment de clan entre eux. L'amitié qui les lie est rapidement tangible, comme rarement dans un roman. L'écriture très fluide et factuelle (narrateur à la troisième personne du singulier) va également dans ce sens. Et puis, les personnages secondaires qui entourent le couple principal sont tellement bons que chaque passage où ils sont présents me met forcément jouasse. On voit trop peu Lucky, mais David, et particulièrement Will m'ont fait très forte impression. A un point tel que j'estime que l'histoire aurait déjà été beaucoup plus agréable à suivre si c'était la leur qui était racontée. Car arrivons maintenant à la source de tout mes problèmes concernant Prélude (et j'ai beaucoup de problèmes) : Erik et Daisy. J'aime bien que le point de vue choisie par l'auteur soit masculin. Mais c'est bien la seule chose que je peux défendre. Ils ont tous les deux autant de charisme qu'un bulot mort, et on n'a beau dire que Daisy est adulée car elle est posée, et que tout le monde veut coucher avec Erik, que c'est un mâle alpha (quelle blague), jamais je ne peux y croire devant ce qu'ils nous proposent (tout est dit, rien n'est montré). D'autant qu'on se retrouve face à un insta-love de compétition. A ce niveau (10% du roman), et alors que j'avais déjà tiqué sur l'obsession de l'auteure pour la virginité de son héroïne, je voulais encore y croire, d'autant que si je n'ai jamais eu de coup de foudre, je veux bien comprendre, je sais que ça arrive. Puis, cruelle erreur, Suanne Laqueur opère un fast-forward de 2 ans. J'ai re-tiqué sur les sentiments ambigus d'Erik sur l'homosexualité, mais cela restait secondaire, alors j'ai pu passer (Erik est parfait mais con, je rage, je passe). Mais ce qui m'a vraiment gêné dans cette ellipse temporelle, c'est que l'auteure veut nous faire croire qu'il n'y a rien eu d'intéressant à raconter sur Erik et Daisy pendant deux ans. Ils ont vécu un conte de fées pendant cette période, littéralement aucun conflit. C'est ce qui est rapporté. Enfin, le coup de grâce. Un "événement" arrive au petit groupe d'amis (déjà, pourquoi est-ce qu'il faut toujours qu'il y ait un épisode traumatisant dans chaque romance ?). Et là, le narrateur a quand même le culot de dire que c'est à ce moment que l'histoire d'Erik et Daisy commence. Qu'avant ce n'était que conte de fées, que maintenant, l'histoire humaine débute. Et je vous assure que ne pas m'arrêter de suite après cette phrase a été extrêmement compliqué. Déjà que les deux sont aussi intéressants que des poulpes (désolée pour les poulpes) (mais ils sont trop bôw, c'est le principal), nous les présenter comme des âmes sœurs maudites est insultant. C'est insultant parce qu'aucune histoire d'amour, jamais, ne peux durer des années sans aucun conflits internes (mon couple va très bien, je vous remercie). Parce que les gens changent, parce qu'ils sont des individus à part entière, qu'ils ont des envies et souvent des valeurs rien qu'un peu différentes. Faire croire que seuls des événements extérieurs peuvent détruire un couple aussi "parfait", c'est de la connerie, c'est enrageant, et ce n'est pas mignon. S'en suivront donc des années d'errance pour se remettre de cet événement traumatique, jusqu'à ce qu'enfin, les amants soient réunis, malgré leurs erreurs, ensemble, parce que c'était leur destinée. J'avais confiance dans cette romance, parce que ça devait être surtout un roman tranche de vie, pas juste de la mièvrerie. Oui, il y a du drame. Du drame pour que l'auteure puisse faire durer son histoire, en traitant sérieusement de graves événements avec des personnages centraux inexistants. Et ça, c'est censé être émouvant ? Laissez-moi allez vomir. Voilà. J'ai donc écrit une chronique basée uniquement sur le premier tiers du roman. Aucun problème. Et même si je n'ai pas encore fini Prélude (je pense bien le faire, parce que j'aime me faire du mal, et parce que c'est tout ce qu'il y a sur mon portable pour le moment, surtout), ce que je lirai ne changera rien à mon avis. Il fallait juste que j'écrive, là, maintenant, parce que l'auteure est allée trop loin, dans la mièvrerie comme dans le malheur. Trop trop trop. A lire si : - vous aimez les histoires longues à se mettre en place - vous n'avez pas de problèmes avec des événements et des sentiments invraisemblables traités sérieusement En temps normal, j’aurai fini l’ouvrage. Il est vraiment très court, à peine plus de 100 pages. Mais il s’avère qu’en ce moment, mon temps aussi se trouve raccourci (j’espère au passage rapidement retrouver un rythme normal). Du coup, tout ce qui n’est pas nécessaire ou ne me procure pas de plaisir se retrouve relayé en bas de la liste des choses que je ferais un jour (liste par ailleurs très régulièrement effacé de ma mémoire). C’est donc le cas de L’Esclave, d’Alex Jestaire, que je reprendrai peut-être dans le futur. Mais franchement, j’ai un doute.
En même temps, le récit ne m’a pas rendu la tâche facile, tant il est étrange (ou en tout cas éloigné de mes habitudes littéraires). Il suit les aventures d’une goule, La Goule, alors qu’elle est retrouvée par l’armée française lors d’une mission au Mali. Suite à divers jeux de pouvoir, elle va se retrouver être la possession d’un influent ministre français. Dénonciation de l’esclavage moderne, présentation de la perversité humaine repoussée toujours plus loin, ou simple exercice littéraire (le narrateur bise régulièrement le 4e mur, et nous parle régulièrement de Spéculos, apparemment l’homme qui a fait les recherches sur nos protagonistes (ou alors c’est l’inverse (j’étais assez peu investie, il est malheureusement probable que je n’ai pas tout compris tant j’ai été hermétique à l’œuvre (j’ai honte)))), cet ouvrage est un peu de tout cela, sans se concentrer sur la créature qui lui donne son nom. La Goule dont le visage monstrueux et le corps de rêve la désigne cible de tous les fantasmes n’est pourtant pas l’intérêt du livre, l’auteur ne nous parle pas vraiment de ses subisses. Il préfère écrire sur ses bourreaux. L’idée de L’Esclave me plaît. Sa réalisation beaucoup moins. Je suis perplexe en face de celui-ci, il me laisse visiblement sans mot, je ne sais pas s’il est à recommander ou pas. En tout cas, si la curiosité vous en dit, je vous laisse vous y plonger, car à défaut d’être agréable (selon mon très humble avis), il invite à s’interroger, et c’est tout de même ça le plus important. (et si vous voulez un avis plus constructif que le mien, je vous invite à suivre ce lien, Alex Jestaire y est présenté de façon nettement plus éclairé ; à voir si je me laisse tenter par un autre de ces livres) The Ancient Magus Bride, de Kore Yamazaki. Mouaif mouaif mouaif. Cela faisait quelques temps que je voyais ce manga tourner, toujours dans les catégories recommandations. J’étais plutôt intriguée, et lors de mon dernier passage surprise en librairie, j’ai profité de l’occasion pour découvrir le premier tome. Pour un résultat franchement mitigé. Une fois n’est pas coutume, je commencerai par les dessins, qui sont d’une bonne qualité, détaillés, tant pour l’arrière-plan des cases que pour les personnages. Ceux-ci sont bien fait, aux silhouettes très facilement reconnaissables, mais un point, de taille, m’a gêné : les visages. Tout était beau, sauf les visages. Un point capital dans un manga (à mon humble avis) et qui ne m’a pas aidé à rentrer dans l’histoire. Et parlons-en, de l’histoire. Elle commence lorsque Elias, un sorcier humanoïde à tête de chien-squelette (plus ou moins) acquiert Chisé aux enchères pour une somme conséquente. Chisé a 15 ans (détail d’importance), et est une slay vega, c’est-à-dire qu’elle attire (et dans son cas, voit) les êtres magiques (fées, dragons, etc…). Le sorcier a pour but de former Chisé à la sorcellerie, et à terme d’en faire sa femme. Et là, un côté malsain ressort particulièrement, puisqu’il passe tout le tome à infantiliser la jeune fille, tout en insistant bien sur son statut de fiancée. Il force tout de même Chisé, toujours 15 ans, à se déshabiller quelques heures après avoir fait son acquisition (dans le premier chapitre) pour lui montrer comment prendre un bain. Les mangas sont rarement des œuvres féministes (si vous avez des titres en tête, je suis preneuse), je suis généralement moins attentive au sexisme pendant mes lectures (Fruit Basket est un classique pour moi, et pourtant, ce n’est tout de même pas brillant), mais là, c’était assez fort. Ce point-ci m’a donc également gêné, et rien n’a fait pour le rattraper. L’histoire peut promettre de belles choses, mais ne m’a pas envoûtée. Elle allait d’ailleurs un peu vite, ce qui peut être dû au fait qu’il s’agisse d’un premier tome (il faut vite attraper le lecteur japonais avides de nouvelles publications), et m’a empêcher de vraiment profiter de ce que je découvrais. Il y avait pourtant bien des choses à découvrir, le bestiaire promet de belles découvertes, et pour une amatrice de fantastique telle que moi, il y a de quoi être titillé. Malheureusement, si titillement il y a eu, ce n’est pas suffisant face aux nombreux points qui m’ont fait rester à la surface de ce livre. Je passe mon tour, à vous peut-être d’essayer ? A lire si : - vous êtes fan de manga fantasy/fantastique - le sexisme ne vous dérange pas - vous êtes sensible aux dessins Noël et ses tickets cadeaux sont passés par là. J'ai teeeeeeeeellement de choses qui me donnent envie de les lire que je ne sais pas du tout par où commencer. Plutôt que de paniquer comme une glandue devant ma bibliothèque ("je vais lire ça, oh, mais non, celui là aussi a l'air excellent, mais ça ne risque pas de trop ressembler au livre que je viens de finir, aaaaaah" (ma vie va très bien, merci)), je suis une règle simple. Pour bien avancer, comme tout me fait envie, je vais aller du plus court au plus long. Nécessairement, aujourd'hui, je vais parler manga et BD. Commençons par le septième tome d'Arte. Je ne vais pas vous la refaire, Arte, c'est la dose de bonne humeur faite pages, le manga que tu est sûr de refermer avec un sourire sur les lèvres, de l'historique (renaissance italienne) sans doute pas hyper pointilleuse mais qui a le mérite de titiller la curiosité (et qui t'apprend tout de même beaucoup). Si le sixième tome m'avais un peu déçu (je crois que je n'aimais juste pas beaucoup le personnage sur lequel il s'était concentré), ce septième opus a écarté toutes mes craintes. Un peu moins solaire que les cinq premiers, il est plus introspectif, rentre plus dans la psychologie d'Arte, mais ça ne le rend pas moins bon, au contraire. Et la fin de ce tome-ci me donne encore plus envie d'avoir le 8 entre mes mains (publié fin janvier au Japon, ça va être long). Bref, pour ceux qui connaissent déjà, foncez les yeux fermés, pour les autres, mais qu'est-ce que vous attendez, le premier tome devrais déjà être dans vos mains. Juste après, mes yeux se sont rivés sur Comme Convenu. Et là, il faut que je vous raconte. Comme Convenu, c'est l'histoire d'une dessinatrice qui déménage à San Francisco avec son mari et sa fille de 11 ans pour monter une boite de jeux vidéos avec deux associés (l'un restant en France, l'autre étant au Brésil). Et Laurel, la dessinatrice (et graphiste de la boite), a décidé de raconter cette petite histoire (vraie) sur son blog (et du coup, je vous invite chaudement à aller la voir). Sauf que cette Laurel, je ne la connaissais pas du tout, et ce fut la surprise totale quand j'ai reçu dans ma boite aux lettres un colis contenant les deux tomes de son histoire, auto-édité via Ulule. Il s'avère qu'une personne fort bien intentionnée (et que je remercie super fort au passage (j'espère que vous aimez ma vie)) a participé au financement, et s'est dit qu'il fallait que moi aussi je découvre la chose. Et elle a vraiment bien fait, parce que l'histoire, romancée, était géniale (n'ayons pas peur des mots), et d'autant plus agréable à lire que j'avais le livre et n'était pas devant mon ordinateur.
Donc, Comme Convenu, c'est l'histoire de Laurel, qui raconte ses pérégrinations au pays de l'Oncle Sam, et surtout les embrouilles au sein de sa boite. Ça a été fait avec beaucoup de recul (si clairement, elle critique ses associés, elle n'oublie qu'il peut y avoir deux versions à une histoire), mais aussi beaucoup d'humour. Et vu les tuiles qui lui sont tombés dessus, heureusement qu'elle a l'humour. Vraiment, vraiment, allez lire son histoire sur son blog, impossible de décrocher, c'est addictif (dans le bon sens du terme) et intelligent, mordant, bref, parfait (qu'on soit fan du coup de crayon ou pas). Son histoire rappellera des situations vécues à beaucoup de gens, que ce soit quand il s'agit de construire un projet à plusieurs, le déménagement dans un lieu inconnu, ou encore le sentiment d'être parfois pris à la gorge, coincé par des gens (je n'ai jamais été dans une situation aussi dramatique que celle de Laurel, mais ça touche la corde sensible). Le récit est dynamique, et toutes les péripéties sont bien romancés. Je sais que je vous l'ai déjà dit, mais qu'est-ce que vous faites encore là ? Ce point n'est pas du tout équilibré, mais je pense que j'ai fait passer le message. Je fais de belles découvertes en ce moment. |