Il était un 7 novembre où je n’avais rien à faire, et où je savais que je n’aurais rien à faire pendant un bon moment. Une idée brillante me traversa l’esprit en début d’après-midi « Et si je commençais Guerre et Paix ?». Ainsi, dans ma grande innocence, commençais-je Guerre et Paix. Et ma relation avec lui allait être à l’image de son titre.
Guerre et Paix est un ouvrage écrit par Léon Tolstoï et qui retrace la vie d’un grand nombre de protagonistes dans la Russie des guerres napoléoniennes (grosso modo, entre 1805 et 1812). Et c’est bien là la première spécificité du roman, le résumé tient dans cette phrase. Il n’y a pas de scénario à proprement parler, on se contente de suivre Pierre, Marie, Nicolas ou encore Natacha. Le récit s’étale sur une longue période, la Russie alternant sans cesse entre la guerre et la paix (le choix du titre est donc vachement malin). Et à mon grand étonnement, ce sont les périodes de paix qui ont décroché mon adhésion (tandis que Tolstoï racontant la guerre m’était de plus en plus insupportable au fil des chapitres). La paix nous permet de suivre plus profondément les changements dans les vies de chacun de nos protagonistes, et c’est bien pour eux que j’ai pu aller au bout de ma lecture. Car l’auteur a vraiment un don pour créer des personnages exceptionnellement banals (si-si c’est un compliment). Généralement, dans n’importe quel récit, l’écrivain fait en sorte que l’on s’identifie un minimum au narrateur ou aux personnages principaux. Même quand nous est présenté des anti-héros ou des vilains, on nous donne une raison de les trouver sympathiques, au moins un peu. Là non. Deuxième spécificité du roman, c’est la première fois que je rencontrais de tels personnages. Et c’est bien ce qui me les a rendu extrêmement tangibles. Dans Guerre et Paix, chaque personnage a au moins trois couches de lectures, et je ne pourrais même pas dire lequel m’a le plus touché, j’aurais l’impression de me mettre complètement à nu. Avoir l’occasion de les suivre pendant une si grande période, et les voir grandir ou s’éteindre, trouver leur paix, est donc un très beau moment de lecture, comme on n’en fait pas tous les mois. Si seulement il n’y avait pas la guerre. Tolstoï s’évertue à nous décrire les batailles et surtout les stratégies le plus fidèlement possible, à travers des personnages ayant réellement existé. Et si au début c’est intéressant, dans mon cas, ça m’a rapidement ennuyé. Pourtant, quelques perles se cachent au milieu des batailles et de la survie d’André ou Nicolas pour ne citer qu’eux. La bataille d’Austerlitz dans la première partie, ou celle de Borodino dans la troisième, sont des trésors de poésie. L’auteur s’attache également à donner un récit le plus objectif possible du conflit opposant Napoléon à Alexandre 1er, sans jamais incriminer l’un ou l’autre pour expliquer les centaines de milliers de morts qu’ils laissent dans leur sillage. Et au passage nous donner quelques leçons sur notre condition d’humain. Oui, j’ai parfois été ennuyée, mais je ne peux nier que j’avais sous mes yeux une fresque grandiose. En ce doux 7 novembre, je n’avais donc aucune idée de l’aventure si conflictuelle dans laquelle je me lançais. Car lire Guerre et Paix, même dans ses passages très bons, c’est exigeant. Non pas que l’écriture soit compliquée, mais comme on ne sait pas où on va et que l’auteur se permet quelques digressions, il vaut mieux bien s’accrocher. Et puis franchement, les noms russes, c’est bieeen galère. Surtout qu’en fonction des situations, les personnages (principaux ou non) sont appelés au choix par leur nom de famille ou par leur prénom. Et n’oublions pas qu’en Russie, les gens reçoivent le nom de leur père ou de leur mère à la naissance, ça fait plein d’appellation différentes, et oh la la il faut de la volonté. Aussi, pendant onze mois, j’ai alterné lectures frénétiques avec pauses de durée indéterminée. Toujours est-il qu’au petit matin d’un 25 septembre, j’ai terminé ce monument de la littérature. Un peu fière, déçue de n’avoir pas pu profiter de chacune des pages, mais contente d’avoir découvert des personnages aussi uniques qui me suivront pendant quelques temps. A lire si : - un roman en deux volumes de 800 pages chacun ne vous fait pas peur - vous avez de l’intérêt pour au moins un des points suivant : la psychologie, les batailles épiques, le roman historique, le début du XIX siècle - vous voulez lire un classique au style pas trop pompeux
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J’ai eu la chance de me promener plusieurs fois en Asie du Sud-Est, dans divers pays, pour des occasions différentes et dans des ambiances également très variées. Certains de mes plus beaux souvenirs demeurent là-bas. Et en l’occurrence, il y a de ça quelques mois, j’ai posé mes pieds en Thaïlande. En quatre jours, je n’ai pas eu le temps de tout faire ni de tout voir (il m'aurait fallu un paquet de jours de vacances), mais j’ai tout de même eu la chance de visiter les hauts lieux touristiques de Bangkok et des environs. Et encore mieux, les autres membres de l’expédition et moi-même avions un guide pour chacune de nos sorties. Première fois que je faisais ça, et de façon complètement pas étonnante, c’est vraiment instructif. Ça vaut même le coup de faire semblant d’être normale pendant les vacances (alors que pourtant, c’est LE moment où je devrais pouvoir me lâcher). Bref, Bangkok, une guide, et des français. Dans le Palais Royal. D’un pays dirigé par une graaaande dynastie, et dont la royauté a eu, et a toujours, un poids immense. Ça fait un bon paquet d’histoire. Nous avons passé environ deux heures dans l’enceinte du Palais, au milieu d’une foule grouillante, et en crevant de chaud parce qu’il fallait se couvrir en signe de respect. Mais nous étions dans une bulle créée par notre guide, qui nous a raconté pléthore d’anecdotes sur les différentes familles et traditions royales au fil des âges. Des histoires de harems et de guerriers. Des histoires de succession. Des histoires d'opulence. Et plus le temps passait, plus je me créait ma propre bulle. Parce qu’au milieu de tous ces gens, j’avais vraiment l’impression d’être dans l’univers de Eon et le Douzième Dragon. Dans le monde d’Eon, un roman de fantaisie asiatique qui sent bon la Chine (et pour moi maintenant, la Thaïlande), douze personnages sont affectés à la protection du pays. Douze personnages qui possèdent chacun le pouvoir d'un dragon. Douze dragons qui correspondent chacun à un signe du zodiaque chinois : Dragon Tigre, Dragon Rat, Dragon Dragon (oui oui, mais pour faire mieux, on dit Dragon Miroir), etc. Devenir Oeil du Dragon est la seule chance de s’élever dans l’échelle sociale. Car comme pour les contes de la royauté Thaïlandaise, dans l'univers créé par Alison Goodman, les différentes castes sont quasiment imperméables. L’Empire a droit de vie ou de mort sur tout individu. Le monde est violent. Et mieux vaut ne pas être une femme. En Thaïlande, certaines parties du palais étaient rigoureusement interdites aux individus non porteurs de chromosome Y (ô anachronisme). Dans le monde d’Eon, la fonction d’Oeil du Dragon est exclusivement masculine. Pas de bol, notre héros est une héroïne, et oui, elle va devenir l’Oeil du Dragon Miroir. Cacher sa poitrine et ses règles ne sont que la partie facile de la dissimulation de son identité une fois qu’elle se retrouve dans les hautes sphères du pouvoir, et qu’un coup d’état est en marche. Eon, de son vrai prénom Eona, est véritablement au centre du roman. Bien que les personnages plus ou moins secondaires soient développés, elle vole la vedette. Au début timorée, sa tentative pour devenir Oeil du Dragon est intéressée, elle veut simplement améliorer sa condition de femme estropiée. Elle dissimule son genre pendant plusieurs années, étudie, et passe l'épreuve avec succès. A partir de là, ses motivations évoluent pour devenir moins centrée sur elle-même, et elle devient du même coup plus volontaire. L'Empire est en danger, elle devra forger les bonnes alliances, quitte à dévoiler son secret. Autour d'elle gravite un grand nombre de personnages, et à Eona et aux lecteurs de comprendre qui seront les alliés et qui seront les ennemis (bon, il faut reconnaître que de ce côté là, ce n'est pas très compliqué). Sortent du lot Brannon, le maître qui l'a formé, Ido, le charismatique Oeil du Dragon Rat, Kygo, le fils de l'Empereur, Rilla et Chart, les servants qui aident Eona. Et bien sûr, Riko et Dame Dela, deux personnes mandatés pour guider Eona dans les joies de la politique impériale, et qui vont la pousser à se dépasser. Outre la richesses des personnages, ce qui fait la force de ce roman, c'est la violence de son monde (et qui a tant résonné en moi lors de ma visite du Palais Royal), mais également les descriptions qui rendent l'univers tangible. En parcourant les lignes, j'ai vu les rues bondées, j'ai senti les odeurs si caractéristiques de l'Asie (la cardamome a une intensité incroyable), j'ai vu les repas gargantuesques et les petites douceurs, les croyances et les traditions. J'ai vu le faste, les dorures, la grandeur. Eon et le Douzième Dragon, ainsi que son deuxième tome Eona et le Collier des Dieux, c’est une ambiance, une histoire, un message. Un message d'égalité qui va plus loin encore que celle des genre.
Du coup, si vous voulez vous balader en Asie dans les prochains jours, mais que le billet d’avion est trop cher, vous pouvez vous plonger dans l’histoire d’Eon. C'est ce que j'ai fait après ma visite, et la magie a opéré comme au premier jour. A lire si :
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