Les pages de la série Phobos se tournent toutes seules. Le lecteur assiste d’abord en tant que spectateur au côté hypnotique de cette télé-réalité de l’espace et de ses coulisses, pour finir complètement pris au piège, voulant toujours en savoir plus sur ce qui va bien pouvoir se passer. Et plus l’histoire avance, plus le recul se fait ; plus le cynisme absolu se dévoile. On connaît les romans épistolaires depuis plusieurs siècles. Depuis quelques temps, on retrouve parfois des mails et des SMS entre les pages des romans contemporains. Ici, Victor Dixen a véritablement retranscrit l’esprit d’une émission de télé-réalité orienté speed-dating. L’auteur alterne entre les plans de la chaîne Genesis (qui diffuse le programme), les « champs » qui suivent le personnage principal, et les « contre-champs » et les « hors-champs » qui suivent eux des personnages en coulisse. Mais la même ambiance est présente partout. L’auteur prend bien le lecteur lambda pour une personne incapable du moindre effort intellectuel et écrivant des dialogues télescopés qui expliquent bien ce que tel personnage veut dire/faire (comme TF1 ou NRJ12 qui commentent toutes leurs émissions à outrage). Il prend également le soin de clôturer chaque chapitre sur un petit cliffhanger, pour que le lecteur reste accroché à son livre/écran. Et comble du cynisme, à partir du troisième tome, le lecteur a même de la publicité dans son roman : comme les spectateurs de l’histoire, le lecteur voit certains passages coupés, et lorsqu’il lit « Pour visionner le reportage sur X en clair, merci de vous brancher sur PHOBOS Origines », il faut lire « Vous voulez en savoir plus sur les prétendants masculins ? Veuillez acheter Phobos Origines, d’ores et déjà en librairie ». Qu’on ne viennent pas me dire qu’on ne me prends pas pour un pigeon (moment pigeonnade : soit dit en passant, Phobos Origines, sans être complètement indispensable, est vraiment sympathique).
Donc voilà. Victor Dixen utilise au moins autant qu’il dénonce (j’aime l’exploitation de l’état d’urgence dans le troisième tome). Et je me demande franchement dans quel position il voit le lecteur lorsqu’il écrit son roman. Je suis perplexe. Pour autant, je n’ai pas boudé mon plaisir pendant la lecture, loin de là. Moi aussi, j’ai été prise dans le dynamisme de l’histoire, j’ai arrêté mes activités pour m’y plonger, savoir ce qu’il advient de Léonor, de Kris ou d’Andrew. J’ai reconnu les stéréotypes qui m’étaient présentés (ah, Serena…), j’ai cherché de la profondeur là où ou l’auteur nous la refusait. Dans Phobos, ce qui compte, c’est l’action, les complots, les trahisons. L’auteur qui nous présente une vision de l’amour passionné assez désabusée quand on voit la façon dont elles évoluent. Et la survie des personnages, car ce ne serait pas si drôle s’il n’y avait pas un petit enjeu. Dans le premier tome, nous suivons principalement Léonor, une prétendante du programme Genesis qui s’en va sur Mars avec 11 autres personnes (6 filles, 6 garçons), prête à entamer un voyage de plusieurs mois au rythme des speed-datings quotidiens. Ces pionniers ne sont pas astronautes professionnels, ils ont été choisis et formés pour peupler la colonie martienne (tout en divertissant la Terre). Au terme de leur périple, ils sont censés avoir trouvé leur âme sœur, et faire de beaux bébés martiens avec elle. Comme Léonor, le lecteur commence donc sa lecture plein d’innocence, prêt à s’envoler pour de folles aventures. Et puis le décollage et le temps dans la fusée révèle de nombreuses surprises, qui poussent à se tourner de plus en plus vers les coulisses de l’émission. En effet, ce n’est pas la NASA qui envoie ces pionniers dans l’espace. Après la faillite de l’entreprise publique, celle-ci se fait racheter par un organisme privé, qui pour rentabiliser l’investissement se tourne vers la télé-réalité (pari réussi vu le succès du programme au sein du roman et du lectorat français). Et la vision des coulisses dépeintes par Mr Dixen ferait rugir de plaisir n’importe quel adepte de la théorie du complot. Je ne peux aller plus loin dans le résumé de l’histoire, spoiler serait dans ce cas vraiment cruel, car c’est bien l’inconnu qui pousse le lecteur à continuer sa lecture : à quels problèmes spatiaux seront-ils encore confrontés, quelle va être l’issue des rencontres avec les prétendants ? En parallèle de ce côté addictif, de ce scénario millimétré, plusieurs points noirs. Les personnages sont sympathiques (pour la plupart), mais restent trop peu exploités. Même Léonor reste cantonné au rôle de l’héroïne battante et populaire. L’on s’attache à eux, mais ils ne sont pas non plus inoubliables. Du côté de l’écriture, j’ai en ce qui me concerne été assez gênée par le côté « je vous explique tout pour être sûr que vous n’êtes pas perdu » que je dépeignais plus tôt, mais il a au moins l’avantage de rendre la lecture facile et rapide, ça passe tout seul ! Bref, malgré mes récriminations, j’ai pris un grand plaisir à lire cette série, et je ne suis clairement pas toute seule. Pourtant, je ne sais toujours pas comment la prendre. Dois-je crier au génie de l’auteur pour avoir autant dénoncer les travers de la télévision (et du pouvoir en général) ? Le bouder pour m’avoir prise pour un pigeon ? Ou me contenter d’arrêter d’analyser, et de simplement savourer l’histoire comme l’aventure qu’elle est ? Franchement, je ne sais pas. Mais je suis tout de même bien contente de ne pas avoir de poste chez moi. Du cynisme pur, je vous dis. A lire si : - vous aimez les histoires dynamiques, portées par le scénario - les romances adolescentes ne vous rebutent pas - vous n’avez pas peur d’avoir le sentiment d’être pris pour un débile
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Nos Âmes Jumelles, c'est l'histoire de Sonia et de Lou, deux lycéennes en première qui se rencontrent sur un forum grâce à leurs passions artistiques : l'écriture pour la première, le dessin pour la seconde. Ce livre va croiser leur histoire, le lecteur les suit durant toute leur année scolaire, au rythme des cours, des examens, et des sorties loin des adultes. L'auteure Samantha Bailly évite le cliché des lycéens perpetuellement en quête de drogues, d'alcool et de découvertes sexuelles ; non, dans ce livre, nous découvrons des vies banales de personnes ordinaires (on passe aussi à côté du cliché des artistes qui ont une vision du monde tellement originale et mature, ouf), avec des soucis bien dans leur tranche d'âge : gérer les relations sociales, faire accepter ses envies par ses parents, l'affirmation de son identité, ce moment où tout est possible et effrayant en même temps. C'est plutôt doux et tendre, ça offre un beau moment de nostalgie pour les adultes, et une histoire très contemporaine aux adolescents. Le côté mignon n'empêche toutefois pas l'auteure de faire passer quelques messages, sur les dangers et les bienfaits d'Internet, mais aussi sur l'importance de se battre pour obtenir ce qu'on veut.
Une histoire agréable, peuplé de références très modernes (évidemment que c'est le dixième opus le meilleur des FF !) qui font plaisir et qui rapproche énormément le lecteur des personnages. Bref, un roman vraiment sympathique à lire, pourtant, je ne sais pas si je lirai la suite, Nos Âmes Rebelles (ce sera la surprise). J'ai été prise dans l'histoire, elle a fait du bien à mon coeur, j'ai souffert et souri avec Lou et Sonia, mais je ne me sens pourtant pas vraiment investie dans leur grande aventure. Le livre est bon, mais ne déchaine pas ma passion. Je souhaite tout de même bien du courage aux deux héroïnes, en espérant qu'elles arriveront jusqu'au bout de leurs rêves. Comme leur auteure. A lire : - vous avez envie d'un roman doux et sans prise de tête - vous voulez un roman qui relate vraiment une adolescence ordinaire Arte raconte l’histoire…d’Arte (no shit), une jeune femme issue d’une famille aisée. La demoiselle est affublée d’une tare énorme : elle aime dessiner et peindre, rien ne la passionne autant que cela ; elle voudrait en faire son métier. Fille de la petite noblesse florentine au XVIe siècle, ses ambitions ne passent pas. Homme ou femme, noble ou paysan, personne ne considère ses envies. Du moins est-ce sa situation au début du premier tome. La jeune femme, plutôt têtue (c’est un euphémisme), va se mettre en quête d’un maître peintre qui voudra bien la prendre en tant qu’apprentie. Beaucoup de refus au départ, Arte va pourtant finir par trouver un homme qui voudra bien la former. C’est le début des aventures de notre apprentie peintre, que je suis toujours avec autant de bonheur après 5 tomes. Ce manga, c’est surtout un petit conte féministe. Bien que la mangaka Kei Ohkubo s’attache à rapporter le plus fidèlement possible les mœurs de l’époque (avec des anecdotes sur la vie d’un atelier, sur la façon de cuire le pain ou de faire la lessive), on ne peut s’empêcher de trouver qu’Arte réussi à rentrer dans le monde de la peinture « un peu trop facilement » (bien que ce ne soit pas non plus aisée dans l’histoire). Surtout, la personnalité rayonnante de l’héroïne fait qu’elle se lie facilement avec les autres apprentis, et finalement, elle est plutôt bien acceptée, devient presque un symbole des peintres de Florence. Son influence ne s’arrête pas là, puisqu’elle vient en aide aux autres femmes, plus aliénées qu’elle, et les défend contre ceux qui veulent profiter d’elle, leur apprend à lire, etc…
Donc Arte, c’est plein de bons sentiments. Mais une fois n’est pas coutume, et peut-être est-ce dû au format court de chaque tome (un manga, quoi), ça n’est pas niais non plus, et franchement, ça fait du bien. J’ai commencé la série alors que trois tomes étaient déjà sortis, et le quatrième est arrivé peu de temps après. J’ai par contre attendu quelque temps la parution du cinquième, et quand j’ai pu le lire, je me suis rendu compte à quel point cette lecture fait du bien au moral. Arte est têtue et solaire, obstinée sans trop en faire, bouscule les gens sans les pousser dans leur retranchement, et c’est tellement agréable. Jusqu’au prochain tome, elle me manque déjà. Au travers de ses péripéties et anecdotes, la jeune femme va rencontrer pléthore de personnages, de la jeune aristocrate à éduquer dans le tome 5 à la courtisane dès le tome 1, et nous emmène avec elle dans ce carnaval qu’est l’Italie de la Renaissance. A ses côtés, bien qu’il soit en retrait, son maître qui lui apprend la peinture, Léo (petit clin d’œil à Léonard de Vinci), offre un peu de retenue et de froideur pour contrebalancer les quelques excès d’Arte. Avec eux, nous découvrons la médecine, les sports en vigueur, la misère et la richesse des cités italiennes, et bien sûr, le monde de la peinture. Les recherches semblent avoir été faite, la fresque qui se dévoile est très agréable à contempler. En bref, une histoire qui fait du bien au moral, un joli conte à suivre au fil des tomes ; la réalité difficile de l’époque n’est pas occultée, mais est plutôt gommée au profit du féminisme et de l’atmosphère chaleureuse. Il me tarde déjà de retrouver Arte et tous ses comparses. A lire si : - vous avez envie de vous mettre efficacement de bonne humeur - l’Italie de la Renaissance vous intéresse - vous n’êtes pas trop attaché à la fidélité de la représentation sociale |