J’écoute régulièrement les podcasts de Slate, et il y a de ça deux ou trois semaines, j’étais tombé sur un qui racontait l’histoire d’une jeune française chanteuse adulée en Chine, obligée de rentrer au pays par un cancer à un stade avancé. Et quand j’ai vu le livre témoignage de Marine de Nicola (qui avait la parole dans le podcast, donc) lors de mon dernier passage en librairie, je me suis dit « pourquoi pas ? ». Je lis assez peu de témoignage (là comme ça, je n’en ai en qu’un seul en tête), et je suis un peu mal à l’aise à l’idée de le chroniquer. Parce qu’encore plus que pour tout autre ouvrage, je vais nécessairement devoir juger l’auteure, rien qu’un peu. Je m’en voudrais de lui manquer de respect, d’avoir mal compris ce qu’elle voulait transmettre. Surtout que j’ai été plutôt sceptique face au Baiser de l’Ouragan. Je commencerai donc par dire que je n’ai rien de particulier contre Marine de Nicola : son histoire est une histoire de chance et de malchance, d’opportunité, mais aussi d’effort. Elle a appris une des langues les plus compliquées, elle est allé au-delà d’elle même pour son travail, et même si les décisions qu’elle a prise n’ont clairement pas été les plus judicieuses, son quotidien hors-norme excuse largement cela. Elle a écrit un livre. Qui ne m’a malheureusement pas apporté autant que ce que j’espérais. Commençons par le gros point fort, à savoir la structure du récit. Pas de chapitre dans ce roman, l’auteure alterne passages écrits au présent, son combat pour survivre à sa tumeur, et en parfait contraste, des passages au passé, sur son ascension assez irréelle dans le domaine du show-biz en Chine. Cela rend son histoire à la fois plus frappante, mais aussi plus dynamique (et le lecteur veut toujours connaître la suite). Cependant, ce récit, j’ai eu l’impression que Marine de Nicola ne savait pas vraiment quel ton lui donner. Revenir sur son parcours, délivrer un message d’espoir, oui d’accord, mais avec quel recul, avec quel regard ? J’ai aimé les (trop rares) moments où elle faisait preuve de cynisme sur sa situation, ou où elle regardait son ancienne elle-même avec tendresse. A côté de ça, j’ai eu l’impression qu’elle essayait de coller à certains stéréotypes. Elle nous dit que la musique est sa passion au début du récit, comme si c’était un passage obligé, pourtant, ça ne s’est pas du tout senti. La description des protagonistes était assez particulière : Marine de Nicola s’extasie sur la beauté de certains, abusant de superlatifs et métaphores, pour en démonter d’autres (on passera la remarque raciste sur le chinois qui ne doit rien voir tant ces yeux sont bridés, on passera également les remarques sur l’épilation des femmes). Elle était globalement beaucoup dans le jugement et la condescendance, envers tout le monde, sauf elle. J’espérais que cela évoluerai dans le bon sens avec le récit, mais pas vraiment (un peu, mais pas des masses). Enfin, j’aimerais dire quelques mots sur les « twists » de l’histoire, mais ne sachant pas ce qui est fiction ou réalité, je m’abstiendrai (j’ai trouvé certains éléments clichés, mais parfois, la vie ne nous épargne pas cela). Bref, quelques bons éléments, un parcours incroyable, mais qui n’a pas su me toucher. Marine de Nicola dit ne plus être la même après sa maladie, mais je n’ai pas pu partager ses changements. Je finirais avec un petit mot sur l’édition. Ring a fait le minimum syndical, il restait quelques coquilles, mais surtout, à certains passages, la mise en page n’était pas bien faite (pas de sauts de lignes pour des passages présent-passé/passé-présent). Et puis, on aurait pu se passer du commentaire racoleur sur la couverture « Propulsée star de la chanson en Chine, un soir, son destin bascule dans l’horreur » (merci TF1). Dommage. A lire si : - vous êtes curieux de son histoire (mais je conseille à la place le podcast Slate) - vous aimez les « histoires de cancer » (inspiration John Green)
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Ça y est, c’est maintenant terminé. Je viens tout juste de finir La Terre du Magicien, et même si je reconnais une certaine baisse d’entrain dans le dernier tiers (qui n’est pas due à la qualité de l’œuvre), la lecture a tout de même été agréable. On retrouve à peu près la même recette que lors des deux premiers tomes (dont je parle là et là) (à savoir des personnages un peu paumé, vaguement détestables, qui ne savent pas trop quoi faire de leurs pouvoirs), à ceci près que dans cet opus, Lev Grossman décide d’utiliser une structure narrative plus classique (le lecteur sait ce qui l’attend), et de varier les points de vues. En plus de Quentin, nous découvrons plus personnellement Alice, Plum (un nouveau protagoniste), mais aussi Eliot et Janet, qui sont toujours aussi excellents. Ces deux choix rendent la lecture encore plus captivante, renforçant l’immersion (qui n’était pas très forte dans les tomes précédents, à cause de la distance entre le lecteur et les personnages), sans pour autant diminuer ce qui fait le charme de la saga depuis le début : l’absurde des situations, le recul qu’a le lecteur face aux aventures des héros, et bien évidemment leurs nombreuses divagations. Ce troisième et dernier tome ne fait que confirmer le caractère à part des Magiciens de Lev Grossman. Et si vous avez aimé les deux premiers livres, il ne fait aucun doute que celui-ci vous enchantera tout autant. En ce qui me concerne, plus que leurs aventures, ce sont tous ces personnages qu’il m’est douloureux de quitter : La Terre du Magicien leur rend un bel hommage avant de clore leur histoire aux yeux des lecteurs. J'ai tourné la dernière page à regret, car même si la saga compte bon nombres de défauts, elle a su me toucher d'une façon qui n'arrive que trop rarement en lecture, et que ne veux vraiment pas oublier ça. (et oui, je ne sais pas vraiment quoi dire de plus, mis à part que c’était vraiment excellent, touchant, philosophique, subtil, absurde, sarcastique, drôle, émouvant, et franchement, essayez de lire cette saga) A lire si : - vous avez été conquis par les deux premiers tomes - la série vous a paru clichée et peu subtile : Lev Grossman vous a fait un truc bien Je me suis demandé si cela était vrai – tant l’époque inventa d’horreurs, par un pragmatisme insensé – ou si c’était seulement une plaisanterie, une plaisanterie terrible, inventée à la la lueur de funestes chandelles. Mais que ce soit une plaisanterie des plus amères ou une réalité, qu’importe ; lorsque l’humour incline à tant de noirceur, il dit la vérité. Ouah. Encore un tout petit livre qui recèle bien des richesses. Dans celui-ci, Eric Vuillard s’intéresse aux quelques mois qui précèdent le début de la Seconde Guerre Mondiale (L’Anschluss prend beaucoup de place dans le roman), et particulièrement aux personnalités de l’époque qui ont laissé faire Hitler, voire qui lui ont déroulé le tapis rouge ; par conviction, par facilité, par intérêt, ou simplement par faiblesse.
C’est donc une fiction documentaire qui nous est servi dans L’Ordre du Jour. On y parle des industriels allemands qui ont donné sans sourciller de l’argent au parti nazi au lendemain de la nomination d’Hitler à la chancellerie, de l’attitude de Chamberlain face à l’Allemagne, ou encore des dirigeants autrichiens qui n’ont pas fait grand-chose pour contrecarrer les plans du petit moustachu. Et c’était bien. Mon intérêt pour cette période de l’Histoire explique peut-être ce sentiment, mais je pense sincèrement qu’on n’a pas besoin de ça pour apprécier cette lecture. On y découvre la faiblesse du genre humain, sans réel jugement (mis à part pour les pourris des pourris). Et puis aussi, on découvre une plume magnifique. Je m’extasie rarement sur la qualité d’écriture d’un auteur, mais dans le cas d’Eric Vuillard, c’est résolument indéniable. Je ne peux pas dire grand-chose sur L’Ordre du Jour. Mr Vuillard ne fait que rapporter (avec talent) le résultat de ses recherches. C’est fait avec finesse, ça se lit tout seul. Allez-y les yeux fermés (façon de parler, hein). Ce bouquin, je l’ai attendu ardemment. Et comme tout livre (ou presque) que j’attends avec une impatience à peine mesurable, j’ai été déçue. Bon, soyons honnêtes, je m’y attendais un peu, puisque j’avais assez peu adhéré au premier roman de l’auteure, Renée Ahdieh. Mais quand même, quand on cite Mulan comme l’une des principales inspirations du roman (apparemment, c'était de la très mauvaise com'), je trouve que j’avais le droit d’espérer un peu d’héroïsme. Au lieu d’héroïsme, je n’ai trouvé que de l’ennui entre les pages de Flame in the Mist. Il raconte l’histoire de Mirako, une jeune noble promise au fils de l’empereur, en route vers la capitale pour son mariage. Le convoi se fait attaquer, et les membres de l’expédition sont tous tués. Mirako s’en sort miraculeusement vivante. Plutôt que de rentrer chez elle, elle décide de s’infiltrer au sein du Black Clan, déguisée en homme, pour comprendre pourquoi ceux qu’elle soupçonne fortement d’être derrière son assassinat raté s’en seraient pris à elle. Parallèlement à cela, son frère jumeau, un samouraï réputé, va tout faire pour la retrouver. Alors oui, dès le premier chapitre, Mirako se fait attaquer. Mais elle ne rejoint le Black Clan qu’au quart du récit. Et ce n’est pas comme si pendant ce quart de roman on nous présentait des choses, non non. Le récit est fortement inspiré du Japon féodal, mais mis-à-part nous jeter des mots japonais en italiques à foison, en mode « t’as vu j’ai fait des recherches », je n’ai pas été franchement dépaysé. Pas plus que je ne l’ai été par les vagues éléments fantastiques du roman, pas assez présents pour ajouter vraiment une atmosphère mystique à l’ensemble. Quant aux personnages qui auraient également pu se révéler pendant ces 25 %, j’ai là aussi été déçue. Ils n’ont pour la plupart qu’une seule caractéristique principale, et toutes leurs actions semblent peu crédibles, elles ne sont là que pour faire avancer l’histoire (à l’image de la romance qui sors d’on ne sait où). Je ne me suis attachée à aucun d’entre eux, et c’est bien regrettable. Un background pas terrible, des personnages peu convaincants, malheureusement pour moi, l’histoire ne l’a pas fait non plus. Elle était atrocement convenue, et je crois avoir été étonnée une seule fois (et encore). Le manichéisme suintait des pages, mais par contre, question crédibilité, là, il faut chercher (ce baiser…). Un dernier mot enfin sur le « fond » de l’histoire, sur la valeur d’une vie, et plus encore la valeur d’une femme. Je n’ai là non plus pas adhéré du tout. Certains passages qui se voulaient féministes sont passés complètement à côté, et de manière générale, la morale arrive à chaque fois avec ses gros sabots, sans aucune subtilité. Les grandes phrases philosophiques sur l’humanité dans un dialogue sur deux, ça casse complètement le naturel et le réalisme. Si vous lisez l'anglais, cette chronique résume nettement mieux que moi les difficultés que j'ai eu avec l'ouvrage. Bon, je bâche je bâche, Flame in the Mist n’est pas non plus une catastrophe faite livre. La moitié de ma déception est dû au fait que j’attendais beaucoup de cette histoire (on avait dit Mulan, mince !). Le roman plaît cependant au plus grand nombre, à vous de voir si vous voulez lui laisser une chance. Toutefois, pour ce qui est des histoire de travestissement et d’engagement dans une guerre (sans plus de référence à Mulan (mais au moins dans ces deux romans, il y a de la bataille)), je recommande nettement plus chaudement Kel, d’Andréa Schwartz, pour le registre plus adulte, et Eon et le Douzième Dragon, d’Alison Goodman, pour le YA. A lire si : - vous voulez une lecture YA vraiment vraiment sans prise de tête, et que le fantastique historique est votre genre Petite chronique pour tout petit livre. 86 pages en epub, ce fut rapide, mais tout à fat satisfaisant. Après ma découverte de Peter Darling par Austin Chant il y a de ça deux mois, je suis allée voir ce que l'auteur avait bien pu écrire d'autre. Deux participations à des recueils de nouvelles, et Coffee Boy, donc.
Le récit raconte l'histoire de Kieran, un jeune homme trans qui commence un stage en politique (aide pour la campagne d'une sénatrice, qui inclut entre autre l'achat de café pour toute l'équipe), et qui affronte l'ignorance de ses collègues face à sa situation : lesdits collègues continuent à l'invectiver au féminin alors que Kieran s'identifie au genre masculin. Heureusement pour lui, son supérieur Seth est lui nettement plus sensible à sa situation, et s'évertue à changer la mentalité de l'équipe. Les semaines passant, les deux hommes vont peu à peu se rapprocher. La romance toute mignonne sert ici de prétexte à présenter les difficultés et les agressions perpétuelles que vivent les personnes de la communauté LGBTQIA+. J'ai parfois eu l'impression que l'auteur grossissait le trait (j'ai du mal à saisir comment après plusieurs semaines à se faire perpétuellement rappeler que Kieran est un homme ses collègues continuent de faire l'erreur), mais il est certainement plus au courant que moi de cette réalité. En dehors de ça, j'ai trouvé les personnages et leur psychologie plutôt soignée et réaliste. Ni Seth ni Kieran ne sont des protagonistes parfaits, ils ont tout les deux leur moment de stupidité (surtout Kieran), mais qui s'explique plutôt bien du fait de leurs situations. Clairement, Coffee Boy est une réussite, sur le fond comme sur la forme. Austin Chant, il va falloir que je suive tes sorties ! A lire si : - vous n'avez jamais lu de récit sur la communauté LGBTQIA+ - vous aimez vos romances courtes et qui ne tirent pas trop sur le drame |