Il y a quantité de choses à dire sur Nevernight. L'histoire de base est pourtant des plus classiques (une apprentie assassin en quête de vengeance), mais tout le reste est hors-norme, dans un sens ou dans l'autre.
Commençons par le plus trivial, l'âge requis pour lire l'ouvrage. L'héroïne ayant seize ans, on pourrait classer le livre au rayon jeune adulte. Pourtant, les situations et les détails fournies (sexe et violence, bonjour mes amours) le classeraient plutôt dans la catégorie adulte (en tout cas, je ne le donne pas à une personne de moins de seize ans). Cependant, l'auteur Jay Kristoff reste dans un sens plutôt gentil avec ses personnages, il y avait clairement toute la place pour incorporer toujours plus de noirceur et de perversité dans Nevernight ; le classement adulte n'est donc pas complètement justifié. Tellement de choses à dire. Pour aller au plus simple, il n'y a finalement qu'une chose à retenir de mes sentiments post-lecture : j'ai adoré. J'ai pourtant dû m'y reprendre à trois reprises pour réellement rentrer dans l'histoire (mais je le sentais, il me fallait juste le bon moment). Dans celle-ci, nous découvrons le personnage de Mia Corvere, une jeune fille tentant au début du roman d'intégrer la Red Church, une école vénérant la déesse de la mort et faisant de ses disciples les meilleurs assassins (autant vous dire qu'elle n'est pas subventionné par le régime en place). Une fois ceci fait, le lecteur et Mia découvrent les enseignements très particuliers délivrés par l'école : poisons, vols, combats et séductions (et survivre aux professeurs, également). Un résumé alléchant (en tout cas pour mes goûts de sadique littéraire), mais certainement pas des plus original. Cependant, bien des choses font sortir Nevernight du lot. Déjà, le fait qu'il remplisse toutes ses promesses (on en parle des ces assassins livresques qui font à peine tomber une goutte de sang en 300 pages, et pétris de remord à chaque blessure infligée, on en parle de ces trahisons à répétitions ?!). Car si le récit se déroule dans un monde où la nuit tombe une fois tous les trois ans environ, ce sont bien la noirceur et l'obscurité qui hantent les protagonistes. Si Jay Kristoff aurait toutefois pu aller encore plus loin (je n'aurais pas dit non), il n'épargne déjà pas grand chose à ses personnages. Morts à chaque recoins de l'école, tortures à tout va, créatures monstrueuses ; en contrepartie, ils connaissent les joies du sexe, et la chaleur de l'amitié (délicieuse ambiance campus, qui contraste avec l'épée de Damoclès en permanence au-dessus de la tête des étudiants). Et puis, la peur hante Mia, bien que ses pouvoirs très particuliers (et son parfait compagnon Mister Kindly) fassent en sorte que sa vie (et la lecture) ne soit pas trop étouffantes. Cette ambiance bien particulière (et tout à fait jouissive) met d'autant plus en valeur les protagonistes : Mia, évidemment, son non-chat Mister Kindly, Cassius et Eclipse, également Tric et Hush ; seul Jessamine souffre d'un traitement un peu décevant. Mais ce qui sublime l'atmosphère, c'est l'écriture de Jay Kristoff. Celle qui a été tant décriée, celle qui m'a rendue l'immersion si difficile, et celle qui fait de Nevernight un coup de cœur. Je ne crois pas que l'ouvrage ait une sortie prévue en français, mais je ne conseille toutefois pas sa lecture à qui n'a pas un niveau d'anglais solide. Car c'était exigeant. Si certaines métaphores m'ont effectivement un peu gênée (un peu trop nombreuses et trop perchées), ce point s'efface néanmoins totalement à côté du reste. D'abord parce que j'aime l'écriture de l'auteur (un bon paquet de phrases nominales), mais en plus parce que le format choisi est génial. Ce n'est pas un simple livre de fantasy, ce sont des mémoires. Un personnage, pour l'instant non-identifié, raconte la vie de Mia. En y ajoutant quelques unes de ses remarques, et en y ajoutant ses émotions à lui (elle ?). Le format de mémoire est respectée jusque dans les notes de bas de pages, qui fournissent des anecdotes croustillantes et des informations sur le monde de Nevernight (en plus d'avoir énervé beaucoup de lecteurs). Je reconnais ne pas les avoir toutes lu (format epub oblige), mais j'ai beaucoup aimé le principe, et la commande et relecture de Nevernight en papier (ainsi que sa suite) sont déjà prévues. Tout, dans cette histoire, est placé sous le signe du fun et de l'émotion, d'une atmosphère qui prend aux tripes. Ce livre ne va pas changer ma vision du monde (quoique), mais m'a tout de même offert un incroyable moment de lecture. Il y aurait encore bien des choses à rajouter, mais sans jamais rendre justice à l'ouvrage. C'était bon. Own nothing, know nothing, be nothing. Because then you can do anything.
A lire si :
- vous avez un bon niveau d'anglais - vous aimez les histoires d'assassins (et les histoires d'écoles) - vous voulez un bon petit concentré d'émotions dans un format original
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J'aime bien Jérémy Ferrari. Et j'en ai marre d'attendre la sortie de son spectacle enregistré, du coup, je me suis procurée son dernier livre en date, Happy Hour à Mossoul, sorte de compte-rendu humoristique et sarcastique des guerres du dernier siècles. Et si le bilan est plutôt positif, force est de constater que tout n'est pas passé. Reste à savoir si c'est le format qui ne m'a pas séduit, ou si le talent de Jérémy Ferrari n'a cette fois ci pas fait mouche. Un peu des deux, je crois. Or donc, Jeremy Ferrari. Quiconque l’a déjà vu en spectacle le sait, le ton du livre sera acide. Et celui-ci fonctionne d’ailleurs mieux quand on le lit en imaginant sa douce (non) voix. Il reprend son thème favori, les aberrations humaines, cette fois-ci via le prisme des guerres. Il commence par la première guerre mondiale, poursuit sur la seconde, fait un petit détour par les multiples guerres coloniales, finit sur les deux guerres du Golfe. Vaste programme. Happy Hour à Mossoul n’est évidemment pas un livre d’Histoire, l’auteur ne choisit de relater que quelques anecdotes à chaque fois (toujours corrosives et bien choisies), pour nous rappeler soit des éléments importants, soit nous apprendre quelques détails et subtilités. Parfois bien sûr, l’absurde de l’Histoire frôle l’humour de Jeremy Ferrari, et mieux vaudra vérifier ce qu’on lit. Cependant, son ouvrage fait bien son office, il divertit, et offre une porte d’entrée sur le monde de l’Histoire : qui aura été intéressé par tel ou tel passage pourra poursuivre de lui-même des recherches. Et rien que pour cela, merci.
Je reste cependant un peu plus mitigée sur la partie humour. Je ne mentirai pas, j’ai ri aux éclats à de nombreuses reprises, et n’ai pas pu m’empêcher de citer le bouquin à quiconque était à mes côtés pendant ma lecture. Cependant, quelques vaseuses m’ont parfois refroidie (aaah, les putes et les PD) et dans un livre dont la façade est l’amusement, ça fait mal. Il faut croire que les blagues gratuites passent mieux à l’oral qu’à l’écrit (il faudrait déjà que je le réécoute pour savoir s’il n’y avait pas des choses que je n’avais pas relevé). L’enquête est en cours, mais je pense malgré tout que ce support n’était pas propice à une restitution parfaite du ton de Jeremy Ferrari, je ne l’ai pas complètement suivi. Je finis sur les choses qui ne sont pas passées avec les dessins. Je n’ai pas parlé du dessinateur, Patrick Borkowski, tout simplement parce que je n’ai pas été sensible à sa patte. Rien de grave ici, le mec fait le taf, celui-ci me laisse simplement de marbre. Malgré ces légers écueils, l’ouvrage est toujours drôle et amusant, et apporte un peu de contenu à quiconque s’intéressant de près ou de loin à l’Histoire (ou pas d’ailleurs). Plutôt une recommandation donc. A lire si : - vous aimez Jeremy Ferrari - vous voulez découvrir l'Histoire du siècle dernier en douceur et via un format original Ysambre. J'ai eu du mal à rentrer dans ton univers. A l'image de la forêt que tu dépeins, je t'ai trouvé fermé, obscur. Je ne sais même pas définir clairement ce que tu es. Carnet de voyages, épopée magique, dystopie, uchronie. Un peu de tout ça à la fois.
Les dessins qui peuplent tes pages, réalisés par Séverine Pineaux, sont du genre à hanter l'imaginaire de tes lecteurs. Hantée, happée, c'est bien ce que j'ai été, à défaut d'être envoûtée, la faute aux dessins si parfaits qu'ils manquaient d'émotions. Cela est bien le seul travers que je peux te reprocher, car une fois passée la première partie, les textes de Mickaël Ivorra et le graphisme de tes pages ne m'ont pas laissé tranquille. Je voulais m'enfoncer plus loin dans ton monde, pénétrer ton univers, le comprendre, le décrypter. Tu apparais comme une aventure fantastique, puis tu laisses ceux qui te découvre être les témoins d'une catastrophe bien contemporaine. Pourtant, le point final de ton histoire me laisse perplexe. Je ne suis pas sûre d'avoir saisi tous les éléments qui te composent. Une relecture va s'imposer J'essayerai de faire en sorte que ton charme ne me trouble pas trop cette fois-ci. Et je découvrirai tous tes secrets.
Quiconque traînant un minimum sur booktube connaît la personne de Nine Gorman. Sans même avoir besoin de regarder ses vidéos, son roman, Le Pacte d'Emma, a fait grand bruit bien avant sa sortie. J'avoue, j'étais assez curieuse de voir la chroniqueuse passer de l'autre côté de la barrière en tant qu'auteure.
Il faut savoir que j'ai démarré ma lecture plutôt craintive, j'ai rarement les mêmes avis que l'auteure lorsqu'elle chronique les livres que j'ai lu également, et surtout, l'énorme opération communication menée à la fois par la maison d'édition et par Nine Gorman (en même temps, vu son nombre d'abonnés, elle aurait tort de se priver) m'a mise sur la réserve. Je suis sans doute vieux jeu, mais je me méfie du battage médiatique (méfiante, mais consommatrice tout de même, on notera). Au final, ma lecture s'est révélée conforme à mes attentes.
Le Pacte d'Emma, c'est l'histoire d'Emma (thank you Captain Obvious), une jeune femme atteinte d'une maladie dégénérative qui va la tuer dans très peu de temps. Elle se sait condamnée, mais sa rencontre avec un individu de la caste vampirique va lui redonner espoir, et c'est avec Andrew Anderson, son patron et homme à canines de son état qu'elle va faire un pacte. Elle lui laisse boire son sang jusqu'à ses 22 ans, et le jour de son anniversaire, lui la transforme. Commençons par le positif. L'écriture fluide de l'auteure, les pages défilent toute seule : le récit est dynamique. L'histoire également, puisqu'une fois les différents protagonistes mis en place, les péripéties s'enchaînent, le lecteur n'a pas une minute d'accalmie. En ce qui me concerne, ce point particulier m'a un peu gêné, je préfère les histoires qui prennent leur temps ; là, les personnages n'ont pas le temps d'évoluer dans une configuration que déjà les cartes sont rebattues. Tout va trop vite, cela m'a parfois sortie de ma lecture, mais nulle doute que beaucoup de lecteurs préfèrent leur récit plus mouvementé que moi. Mais c'est ce rythme intensif mène à la vraie critique que j'ai envers Le Pacte d'Emma : les personnages. Ils sont incroyablement unidimensionnels et clichés, la situation de départ est déjà vue 100 fois (si je vous dit qu'Andrew Anderson est le patron d'une multinationale qui pèse dans le game, qu'il est ultra riche, et qu'il peut contempler la plèbe depuis son bureau vitré au 45e étage d'un immeuble new-yorkais, ça vous dit quelque chose ?), et l'auteure n'en tire ni subtilité ni originalité. L'histoire, portée par ses personnages, n'évoluent pas parce qu'eux n'évoluent pas. Je n'ai pas été étonnée par les rebondissements (même s'il me manquait les motifs, je reconnais), qui à l'instar des relations entre tous les protagonistes (Nathan et Emma en tête), n'étaient pas très naturels : la situation changeait parce qu'il le fallait, pas parce que c'était dans l'ordre des choses. Le récit alterne entre les problèmes de santé d'Emma et la relation particulière qu'elle entretient avec Andrew. Surtout, sa relation avec Andrew, et finalement, Le Pacte d'Emma est une romance, dont les péripéties et éléments perturbateurs sont sa maladie à elle et son statut vampirique à lui qui dénote dans l'univers très contemporain. On n'échappe à aucun cliché, la maladie d'Emma est la parfaite excuse pour la rendre maladroite et en besoin d'un sauveur, Andrew est le mâle alpha harceleur par essence, qui ne veut plus aimer, leur relation est impossible, et on alterne beaucoup trop rapidement d'un je t'aime à un moi non plus à un je t'aime trop quand même. Fiou. Je craignais particulièrement ces clichés (l'interview de l'auteure ne m'ayant pas rassurée), comme je le pensais, on reste dans la norme des romances qui font plus de mal que bien, et dont j'essaye de me défaire. Voilà. Je n'étais PAS la cible première de cette lecture. Mais aucun doute qu'elle trouvera son lectorat, avec tous les consommateurs de booktube poussés par la curiosité, et les acheteurs avides d'une histoire rapide à suivre, qui se dévore et aux nombreuses péripéties. Mon plus grand respect tout de même à Mme Gorman pour avoir réussit à sortir son récit de ses entrailles, je lui souhaite le plus de succès possible dans cette nouvelle aventure, mais elle se fera sans moi. En ce qui me concerne, je laisse là Emma et son Mr Anderson.
A lire si :
- Vous aimez les romances paranormales - Vous préférez les histoires très rythmée Ouais, je ne me suis pas foulée sur ce titre...
Satinka raconte l'histoire de Jenny, une jeune serveuse de l'ouest américain fascinée par les trains depuis sa plus tendre enfance et victime de visions sur la construction de la grande ligne ferroviaire des Etats-Unis.
Le livre est un très bel objet, bien que je sois peu sensible aux couvertures dessinées, celle-ci fait son effet ; la reliure en tissu et les 500 pages en papier épais complètent le tableau. Un vrai plaisir à avoir en main. Mais l'important n'est pas le contenant mais bien le contenu. Et si j'ai quelques griefs sur l'écriture, Satinka fut globalement un très beau voyage.
Parallèlement à l'histoire de Jenny handicapée par des visions qu'elle ne comprend pas, le lecteur alterne avec un récit historique, celui de la construction de la ligne ferroviaire transcontinentale au XIXe siècle, et des différentes destinées qui ont gravité autour : les chinois exploités pour la construction, les indiens massacrés par les colons, les émigrés irlandais fuyant la Grande Famine. Du beau monde, dont les descendants vont faire la rencontre de Jenny en 2016. Ou au XXe siècle. Car il faut tout de même le noter, il est également question de voyage dans le temps dans cette histoire, et une fois n'est pas coutume, j'ai n'ai rien eu à y redire, la chose était bien gérée, les incohérences ont été éliminé grâce à une règle simple. Beaucoup d'éléments se mettent en place, c'est au début un peu perturbant. Les chapitres se déroulant en 2016 semblent complètement coupés des autres (seul lien, les trains). Et puis petit à petit, le fantastique se met en place, les liens se créent, on réussit à remettre les nombreux personnages mentionnés, et on embarque (humour) complètement. Le résumé me laissait complètement de marbre (des trains, moui, pourquoi pas), et au final, je suis complètement rentrée dans l'histoire, j'ai adoré découvrir le monde créé par Sylvie Miller. Un monde fantastique, original, tout en étant bien ancrée dans la réalité. On en apprend beaucoup sur l'Amérique de ce XIXe siècle, ce fut tout bonnement passionnant. Ainsi, les deux premiers tiers, de pure découverte, m'ont enchantés. La dernière partie, par contre, m'a un peu moins convaincue. La faute aux personnages, pas assez bien croqués à mon goût. Si certains passages étaient très jolies, d'autres étaient bien plus unidimensionnels, les relations entre les protagonistes, trop simplistes, binaires, à l'image de la romance. Je ne crache jamais sur une jolie histoire d'amour, mais celle-ci était mal gérée, arrivait comme un cheveu sur la soupe, elle m'a un peu sortie de ce récit que j'aimais pourtant tant. Cela a également impacté la résolution, les personnages toujours manichéens rendant les enjeux trop simplistes (et la fin sacrément bisounours). Dommage que la fin m'ait laissé un goût un peu amer, mais je garde malgré tout un très bon souvenir de cette histoire qui m'a emmené sur des sentiers inconnus et vers une mythologie simple et originale. A lire si : - vous aimez les romans contemporains teintés de fantastique - vous voulez découvrir un pan de l'histoire américaine |