A tous ceux qui comme moi pensaient que nous allions avoir dans ce quatrième tome de Kel l'histoire d'Ieran le Général Taureau, sachez que ce n'est pas le cas. Nous avons simplement une histoire d'Ieran le Général Taureau. Et surtout, à ceux qui pensaient qu'ils allaient trouver Ieran l’opiniâtre, le têtu, le bougon, détrompez vous également. Ce Ieran là est un peu plus jeune : Il n'avait pas réfléchi. Il n'avait pas eu le choix. Revoyez vos attentes, et ensuite, nous pourrons parler des 375 pages de Kel - Le Général Taureau, écrit par Andrea Schwartz. J'ai été plutôt perplexe lors de ma lecture des premiers chapitres, puis des derniers. L'introduction est très longue, la fin au contraire abrupte. Il faut attendre presque 250 pages pour voir la première vraie bataille. Le rythme, et le ton de l'histoire que j'ai commenté un peu plus haut m'ont donc prise de court. Pourtant, Le Général Taureau est un bon roman, une excellente lecture. Mon seul vrai reproche concernerait le traitement d'Ieran, particulièrement dans la première partie. Il se laisse porter, l’irascibilité de ce personnage que l'on connaît depuis quatre livres est ici pratiquement absente. Mais ici, notre héros est jeune (21 ans durant le récit, outre les flashback et les flashforward), cela peut donc être excusé. Ce travers noté, ma perplexité mise de côté, je peux maintenant parler justement du Général Taureau. Andrea Schwartz connaît toujours aussi bien son univers (ce qui est plutôt rassurant), elle nous entraîne à nouveau sur les champs de bataille, mais du côté des Cheveux Noirs. On n'entend plus parler des sai Mordrain ou des sai Qunthel (seulement de façon anecdotique), accueillons les sai Mon et les sai Margain. Ce petit changement dans la hiérarchie militaire présentée est plutôt plaisant, tout comme celui de la famille impériale. Nous sommes ici plusieurs décennies avant les événements du premier tome, et d'entendre parler du futur empereur, ou de voir le père d'un personnage des tomes précédents prête à sourire. Oui, retrouver l'univers de Kel est toujours agréable. Quant à l'histoire proprement dite, elle est diablement efficace. Je regrette l'introduction plutôt longue, que les batailles épiques mettent du temps à arriver. Mais une fois dedans, le livre devient impossible à lâcher. L'auteure n'a a mon avis jamais aussi bien écrit l'exaltation et l'horreur du champ de bataille (ceci de la part d'une fille qui écrit depuis son canapé, je reconnais). Ieran encaisse, garde la tête froide la plupart du temps, le suivre a été un vrai plaisir. Un petit mot sur le côté féministe de l'histoire. Le Général Taureau est le tome le plus guerrier des quatre, celui où les femmes ont le moins de place ; il est donc difficile de juger de la portée de l'histoire à ce niveau. Pourtant, deux personnages féminins sont mises en avant, et font forte impression. Les a-priori de notre Ieran, qui s'il reconnaît des avantages à la condition féminine se garde bien de les intégrer à sa vie (une femme reste à sa place), se trouvent doucement perturbés. Toujours timide, mais oui, côté féministe il y a. Andrea Schwartz nous emmène encore plus loin dans son univers (la géographie tient d'ailleurs pour une fois une place un peu plus importante), et pour qui a déjà été conquis par les premiers livres, Le Général Taureau est une valeur sûre. Clairement, c'était une bonne lecture. Néanmoins, la lenteur de l'introduction, la rapidité de la conclusion, et moults petits détails (présentation détaillée de personnages qu'on ne revoit plus, le prologue qui nous présente un Ieran d'un âge avancé mais qui ne conclut pas l'histoire) me laissent penser que l'histoire d'Ieran sera faite en deux tomes. Honnêtement, si ce n'est pas le cas, ce quatrième tome de Kel resterait un bon opus, mais comme incomplet, qui laisse trop le lecteur sur sa faim. S'il-vous-plaît Mme Schwartz, dites moi que j'ai bon. A lire si : - vous adhérez déjà aux premiers tomes de Kel - vous aimez les batailles épiques
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Franchement, ça avait l'air cool. Une femme avec des centaines de dettes envers une créature surnaturelle qui se voit confier une affaire d'enlèvements et de quasi-meurtres. Cela semblait parfait, partait comme un cocktail d'action, de mystère, avec un soupçon d'angst (si quelque passe par là avec une traduction, je suis preneuse). Et puis non. Ce que je pensais être un roman d'urban fantasy s'est révélé être de la romance paranormale (et qu'on ne me dise pas que c'est pareil). Pour moi qui ai du mal avec les histoires vraiment centrée sur la romance, ça partait mal. Mais j'ai gardé espoir. Et puis, les premières pages ont défilé, et là j'ai complètement déchanté. Au fond, c'est juste une romance (abusive en plus, mais j'y reviendrai), parce que le côté paranormal est vraiment très mal géré et incohérent. Ouaip ; je me suis bien faite avoir. Une romance paranormale donc. Pour faire les choses dans le désordre, commençons par voir à quelle point le côté paranormal est raté.
Nous sommes en présence de créatures surnaturelles qui se cachent dans notre monde. Elles ont l'air plutôt variées, au commencement, notre héroïne est une sirène dont le petit-ami est loup-garou, il y a aussi des démons, des sorcières, mais apparemment, seules les fées ont un "royaume" pour elles. Il existe donc sur Terre des portails qui mènent à l'Autremonde, un royaume pour "les pires des créatures". Ok, pourquoi pas. Pas très original, mais pourquoi pas. Là où le bât blesse, c'est que les deux seules créatures qui nous sont vraiment présentées (la sirène et le bargainer (je ne vais pas écrire le marchandeur)) ont des caractéristiques magiques bancales. - La sirène est censé être attirée par le sexe et la violence, et peut ordonner aux humains (et éventuellement à d'autres créatures) : ceux-ci seront obligés de faire ce qu'elle dit. Du coup, des gens lui mentent quand elle demande la vérité, elle est apparemment incapable de se défendre (alors qu'un "stop" suffirait) ou de se faire des amis (alors que son "charme" devrait suffire à attirer tout le monde (mais d'après elle, elle serait trop émo)). Sans parler de sa manière de gagner sa vie, complètement ridicule sachant qu'il lui suffit de rentrer dans une banque et de demander de l'argent (mais dans ce genre de bouquin, une femme qui a un boulot "prenant et passionnant", c'est important) - De l'autre côté, le bargainer est le roi d'un des royaumes fées, mais n'a rien d'autre à faire que de répondre aux demandes des créatures surnaturelles. Qui doivent bien souvent l'appele pour un petit marché. Et même quand leurs demandes consistent en un "oh allez, traîne un peu avec moi !", il s'exécute. Et moi qui croyait qu'un roi devait régner, j'ai dû me tromper (alors, je précise que oui, j'ai bien lu que son royaume se gère tout seul, mais franchement, l'excuse est bancale). Bref, un univers bâclé et des créatures peu crédibles. Maintenant que l'échec de la création de l'univers paranormal est statué, parlons romance ! Soyons clairs, j'ai arrêté ma lecture en étant arrivée à peu près au 40% du livre. L'enquête n'a aucun intérêt, elle a à peine été mentionnée. Par contre, le retour dans la vie de l'héroïne d'un homme qui la contrôle complètement, ça, c'est important. Il lui impose son libre arbitre (grâce aux dettes qu'elle lui doit), s'impose physiquement à elle à de nombreuses reprises, fait capoter sa relation amoureuse "parce qu'elle mérite mieux", la manipule pour la faire venir chez lui. Ose dire que l'autre homme est trop directif avec elle (et elle d'être d'accord). Et bam, une nouvelle relation complètement abusive magnifiquement romantisée nous est offerte ! Difficile de les éviter en ce moment. En bref, The Bargainer de Laura Thalassa, c'était une super idée, avec une réalisation pas vraiment à mon goût (pour ne pas dire complètement pourrie). A lire si : - vous êtes sûrs que c'est votre genre - la fibre féministe n'est pas encore trop ancrée en vous Un jour, je parlerai de l'amour que j'ai pour la saga Fièvre (mais dans la mesure où bien d'autres l'ont fait avant moi, ce n'est pas particulièrement urgent). A la place, et pour faire les choses bien (non), je ne parlerai que du tome 8. C'est peu de dire que cette lecture a été laborieuse ; je l'avais commencé enthousiasmée et effrayée à la fois lors de sa sortie, pour l'abandonner à presque la moitié, et finalement recommencer au début de cette année 2017.
Car si le premier cycle des Fièvre (les cinq premiers tomes) sont tous d'excellents coups de cœur, les lectures sont nettement plus inégales dans la deuxième partie de la série (les chroniques de Dani O'Malley en français, ou, le nom qui n'a pas de sens en dehors du sixième tome). Iced était bon, mais reprenait trop d'éléments des cinq premiers tomes malgré un personnage principal complètement différent, pour que j'adhère complètement. Le 7e tome, Burned, était une petite catastrophe ; cela restait de la bonne urban fantasy, mais on rejoignait la moyenne du genre (et on s'éloignait de la perfection écrite dans les premiers livres). L'auteur nous balançait des couples à ne plus savoir qu'en faire (car si on veut être heureux, il faut être en couple, c'est bien connu), les personnages alpha et badass devenaient beaucoup trop clichés, à l'exception de Mac, personnage principal recyclé mais en version molassone. Seul le twist du milieu de l'histoire valait le coup. C'était comme si l'auteure n'arrivait pas à se décider entre garder ses personnages des premiers tomes, ou faire table rase et redémarrer quelque chose de nouveau. Le huitième tome, bien que de meilleure facture, est dans la lignée de Burned. On retrouve beaucoup trop d'éléments qui m'ont fait lever les yeux au ciel. Oui, on a compris, Jada est bonne, une bombe sexuelle, parfaite, ses courbes sont harmonieuses, sa robe la moule juste aux bons endroits, ON A COMPRIS. Ok, Barrons est un super coup, c'est trop kikou chouette que lui et Mac couchent ensemble, mais on a eu le temps de s'en remettre depuis le 5e tome, si l'auteure voulait nous parler de leur couple, ç'aurait pu être bien de proposer un peu de variation (dois-je m'étaler sur le paragraphe où Mac s'étale sur la perfection des bourses de Barrons ? Hum.). Ok, Ryodans pense à tout, et même quand on croit qu'il fait un truc tout pourri (comme le mec hors du temps, ni bon ni méchant qu'il est censé être), et bien en fait, c'est forcément avec une arrière pensée gentille. Bref, j'ai de quoi râler (en tout honnêteté, il y a déjà de quoi râler dans les 5 premiers opus, mais d'abord, c'est moins flagrant, et puis ensuite, chut). Mais surtout, plusieurs chroniqueurs sur goodreads pointaient du doigt l'absence de scénario...et une fois Feverborn fermé, je dois leur donner raison. Alors certes, les enjeux et l'univers ayant déjà été bien mis en place dans les précédents tomes, cela ne m'a personnellement pas gêné, mais je conçois que l'absence de fil conducteur puisse perturber (le seul fil conducteur qu'on aurait dû vraiment suivre, à savoir la présence de trous noirs dans Dublin, est à peine exploité). A la place, on a une multitude de petites histoires secondaires, qui titilleront (ou pas) la curiosité du lecteur. Alors, je me plains. Pour autant, ma lecture (tout du moins, ma deuxième tentative) a été plutôt agréable. Je ne retrouve pas la flamme que j'avais lors de la découverte de Fièvre Noire (ah, mes jeunes années !), mais il y a de bons éléments. D'abord, les personnages, tous clichés qu'ils soient pour beaucoup, retrouvent tout leur charisme (surtout par rapport à Burned) : Jada se redécouvre un semblant d'humanité, Mac de combativité, Christian de sanité. C'est chouette. Aussi, je mentirai si je ne disais pas que retrouver cette ville de Dublin envahie par les Faës et l'Apocalypse ne m'a pas fait jubiler. Karen Marie Moning a eu sept tomes pour mettre en place sa mythologie (et quelle mythologie), et le tout est encore cohérent, compréhensible...et jouissif. Elle se permet même de rajouter encore de nouvelles créatures à son bestiaire, sans complexifier la chose. Rien que pour ça, et malgré mes déceptions quant à ses derniers livres, je resterai à jamais amoureuse du talent de cette auteure. Voilà pour mes petites impressions sur Feverborn. Il ne sert à rien que je ne m'étale sur les événements de cet opus ; comme écrit plus haut, l'histoire principale n'avance que peu, quant aux intrigues secondaires, je laisse la surprise aux lecteurs déjà engagés dans cette histoire (et ceux qui ne le sont pas, commencez par Fièvre Noire (vous pourrez repasser me remercier (genre))). Mais je tient tout de même à noter l'usage très intelligent du Dublin Daily. Ces tracts qui traînent dans Dublin depuis le 6e tome prennent encore plus d'importance dans Feverborn, et outre leur intérêt scénaristique, je trouve leur intégration particulièrement jouissive en ces douces périodes troublées où les mots "fausses informations" se retrouvent un peu partout (dire que j'ai aimé serait un euphémisme). Oui, Feverborn continue dans la ligné de ses prédécesseurs. Le charme des premiers tomes est toujours là, l'âme n'y est plus, mais ce 8e tome reste un bon livre, qui contentera les lecteurs qui savent à quoi s'attendre (et après la lecture de Burned, on sait à quoi s'attendre). A lire si : - vous êtes arrivés jusqu'au 7e tome, ce serait bête d'arrêter en si bon chemin - vous ne connaissez pas cet univers, auquel cas commencez par Fièvre Noire, jusqu'à arriver à Fièvre Née/Feverborn Dans sa saga Kel, Andrea Schwartz nous emmène au sein d'une guerre martiale qui dure depuis plusieurs ères, opposant deux peuples que tout rassemble, si ce n'est la couleur de leur cheveux. Ceux des Kel'bai sont d'un noir de jais, quand ceux des Kel'yon sont du blanc le plus pur. Dans cette saga fantasy à l'atmosphère venant des pays du Levant, l'auteure ne s'attache pas à dépeindre un continent particulièrement original (la géographie décrite est très basique, un pays au nord, l'autre au sud, et un fleuve comme frontière), mais s'est plutôt concentrée sur la construction des communautés et des habitants dudit continent. Les Cheveux-Noirs et les Cheveux-Blancs sont chacun gouverné par un Empereur aux yeux rouges (on dit qu'ils descendent tout deux de la même famille), et leurs populations sont construites de la même manière : le peuple trime tous les jours, quand les familles nobles, Hautes, Moyennes, ou Petites, se partagent l'essentiel des richesses, des positions de pouvoir et de gloire. Andrea Schwartz a profité des notions d'honneur et de devoir qui vont de paire avec la retenue des émotions imposés par l'ambiance asiatique, et a saupoudré le tout de patriarcat : seuls les hommes vont en guerre, les femmes n'ont pour but que d'enfanter. Avec un conflit millénaire au milieu, les ingrédients sont réunis pour romancer des histoires épiques ou tragiques. Mais aussi pour l'auteure de s'arrêter sur de nombreux conflits de société ; leur société, mais aussi la notre. Il faut dire qu'avec la civilisation dépeinte, il y avait de quoi faire. On peut parler de racisme, de lutte des classes, d'esclavage (il y a des barbares dans cet univers, et ceux-ci sont considérés comme inférieurs aux Cheveux Blancs ou Noirs), d'ostracisme (les individus aux cheveux noirs et blancs sont mis de côté), de sexisme. C'est sur ce dernier point que l'auteure semble s'être arrêtée. Comment je le sais ? D'abord, parce qu'il n'y a que sur ce sujet sensible que des lignes semblent bouger au fil des romans ; à l'inverse, la guerre est toujours en trame de fond, les nobles ont toujours le pouvoir, les barbares sont toujours tous des esclaves, les sang-mêlés sont toujours à peine tolérés. Et puis aussi, c'est l'auteure qui l'a dit. Comme le féminisme, c'est un sujet qui me plaît bien, j'ai décidé de prendre mon clavier, et d'étudier de ce point de vue le sort réservé au héros et surtout aux héroïnes d'Andrea Schwartz. Si ça vous dit, attention aux spoils. Dans le premier tome, et pour faire connaissance avec l'univers, nous suivons Shelun, Cheveux-Noirs de 17 ans, qui décide de s'engager pour venger ses parents et son frère, massacrés 5 ans plus tôt lors d'un raid de l'armée ennemie. Les femmes n'ont pas le droit de combattre ? Peu importe, Shelun se travestira, et ira en guerre. Non seulement elle gardera son secret, mais en plus, ses succès sur le champ de bataille lui permettra de monter en grade très rapidement (presque trop pour être crédible, mais c'est un autre débat). L'héroïne comme le lecteur peuvent donc s’enorgueillir, une femme est tout aussi capable qu'un homme en tant de guerre, peu importe ce qu'en pensent les mâles de cet univers. Mais un jour, Shelun la tête brûlée prend le risque de trop ; pour sauver un compagnon d'armes, elle se jette sur un cavalier ennemi, et les deux finissent par chuter d'une falaise dans une rivière en contrebas. Ils se réveillent dans une grotte, et après quelques heures de mépris mutuel, finissent (naturellement) par faire la bagatelle (restons honorable dans nos propos). S'en suivent nombre de péripéties, les deux amants sont ennemis naturels, et de plus viennent de castes sociales radicalement différentes. Shelun est fille de cordonnier, Aydred (le Cheveux-Blancs ennemi) est issu d'une des familles les plus puissantes de l'empire Kel'yon. Finalement, Shelun doit se résoudre à quitter le front, enceinte. Elle devient mère, et contre tout attente, son noble amant continue de lui rendre visite. Malheureusement, celui-ci doit se résoudre à épouser une femme de son rang, délaissant Shelun, mais avec la volonté d'élever son enfant sang-mêlé dans sa propre famille. L'héroïne encaisse, fait le deuil de sa vie de mère et d'amante, reprend les armes. Un ultime affrontement voit Aydred et Shelun se rencontrer sur un champ de bataille, se protéger, s'avouer leur amour (et Shelun comprendre qu'Aydred compte tout faire pour l'emmener à ses côtés), puis Shelun gravement blessée. Pour cette première histoire, je trouve le parcours du personnage principal plutôt intéressant. Shelun suit ses désirs et envies, et assume les conséquences de ses choix, jusqu'au bout. Si elle prend plusieurs décisions en fonction de son amant, ni son amour pour lui ni sa maternité ne vont complètement la définir. Elle se débat pour vivre sa vie malgré les nombreux carcans de la société, qui voudrait la voir tenir un rôle qui ne lui convient pas. Elle navigue entre les obstacles pour trouver sa liberté, d'esprit et de mouvement. La liberté, c'est une des composantes les plus importantes de la personnalité d'Asja, le personnage féminin principal du tome 2. Elle reste cependant pour le lecteur une énigme durant de nombreuses pages, car le personnage suivi est Herdred, le fils de Shelun et d'Aydred, âgé d'environ 25 ans lorsque débute ce nouvel opus. Il se retrouve otage des monstrueux barbares de l'Ouest (Asja étant une princesse de ce peuple), et apprend à mieux les connaître alors qu'il les espionne et cherche un moyen de s'enfuir. Contrairement au tome précédent, celui-ci est moins centré sur la romance et est beaucoup plus centré sur la rencontre entre deux peuples. Le lecteur voit Herdred et les barbares construire tout doucement un respect et une confiance mutuels. Le héros finira par combattre dans les guerres barbares intestines. Au fil de ces aventures, on découvre donc Asja, princesse libre, qui guerroit pour son peuple, qui ne craint aucun mariage arrangé, tomber naturellement amoureuse de Herdred le Kel’yon. Tragiquement, sa situation se dégrade fortement quand défilent des pages ; elle voit sa famille et sa tribu décimées, est mariée de force à un barbare violent, et voit son amant s'éloigner d'elle par obligation familiale (les liaisons entre Kel'yon/bai et barbare étant encore moins bien vu qu'entre Kel'yon et Kel'bai). Dans l'épilogue, le lecteur découvre qu'Asja est « autorisée » à rejoindre Herdred : elle a eu une fille de lui qui a hérité de plus de traits physiques de son père que de sa mère, la famille d’Herdred désire élever cette enfant. Avec ce récit, on peut avoir un peu plus de mal avec la symbolique. Asja commence l'histoire libre et fière, finit par être détruite, emprisonnée, et ne peut rejoindre son amour que parce qu'elle a porté sa descendance. Le genre de destin qui donne le moral, donc. Pourtant, on peut aussi y trouver une dénonciation de cette société qui détruit des vies et n'engendre que le malheur de sa population. Parce que dans ce cas, si Asja finit misérable, c'est aussi le cas d'Herdred, qui s'il est vaguement mieux loti que son aimée, ne finit pas non plus le récit dans une position très favorable (pour le punir de s'être unit à une barbare, l'empereur l’envoie participer à la bataille d'une ville réputée imprenable). Le tragique de leur épopée met encore plus en valeur le ridicule de la construction sociale des Cheveux Noirs et des Cheveux Blancs. Le parallèle de leur société martiale avec celle des barbares (qui est pourtant tout aussi guerrière et a de nombreux problèmes, mais qui est globalement moins sexiste) sert tout autant ce but. Ma lecture de la fresque créée par les deux premiers tomes m’a donc plutôt satisfaire. Au milieu de batailles épiques et de fourbes mouvements politiques, j’ai bien vu l'histoire de héros qui combattent les codes établis, avec plus ou moins de succès (mais je ne doute pas que d’autres individus verront ces histoires d’un point de vue différent). Pourtant, l'arrière-goût laissé par le troisième tome est nettement plus amer. Dans celui-ci, nous suivons Lune, une Kel'bai assassin envoyée par ses maîtres infiltrer la maison Kel'yon de Shelun et Aydred et espionner ses habitants (pour faire simple). A la fin de sa mission, Lune, ayant récupéré les informations qu'il fallait, choisit malgré tout de rester infiltrée, car Shelun, dont elle s'est prise d'affection, pourrait être en danger. Mais aussi pour les beaux yeux d'un Kel'yon qui l'a sauvée d'un mauvais pas. La première douche froide, c’est que Lune est une espionne assez lamentable. Elle se fait découvrir par de nombreuses personnes (qui sont suffisamment sympathiques pour garder le secret), est assez peu compétente en matière de mensonge comme en dissimulation des émotions. Elle ne paraît pas non plus très bien préparée, elle n’a jamais tué personne (ni même violenté qui que ce soit, apparemment). Ça aurait pu passer (après tout, il n’est gravé nulle part que tous les personnages se doivent d’être parfaits dans tout ce qu’ils font) si seulement elle n’était pas présentée comme l’une des personnes les plus prometteuses de sa génération. Parce que là , non seulement je m’inquiète un peu du niveau moyen de cette famille qui espionne et assassine pour l’Empereur depuis des générations, mais surtout je crie à la Mary-Sue. De plus, même son parcours n'est pas exceptionnel, puisque l'aventure commence avec sa mission d'espionnage, et qu'elle finit avec Lune qui n'a pas d'autres objectifs que de suivre son aimé dans un voyage qu'il a choisi. Elle avait décidé de continuer sa vie d'espionne, et puis, elle croise cet individu avec qui elle a eu une vague relation, et elle change d'avis. Contrairement à Asja et Shelun, Lune n'a pas de but, aucun de ses choix n'est guidé par un désir personnel (autre que celui de suivre quelqu'un) ou un besoin de survivre. On me dira alors qu'un individu a tout à fait le droit d'aimer et de prendre ses décisions en fonction de l'autre ; je suis d'accord avec cette assertion, mais seulement jusqu'à un certain point (et surtout, ça n'empêche pas d'avoir une personnalité). Mais ce qui m’a le plus peiné dans cette histoire, c’est bien le destin révélé de Shelun et Asja. Shelun a réussi à se faire accepter dans la noble famille d’Aydred, et à gagner un certain niveau de respect. Pourtant, même en bousculant les traditions, elle n’a pas beaucoup plus de liberté que n’importe quelle autre femme de la noblesse (c’est-à-dire pas des masses). Certes, elle qui a commencé sa vie en tant qu’orpheline a réussi à bien améliorer la qualité de son existence, il n’empêche qu’elle est devenue spectatrice, elle attend le retour de son mari et de ses fils de la guerre. Spectatrice, c’est également le cas d’Asja ; mais en tant que barbare, elle ne jouit d’aucune liberté, est cloîtrée au fond de la maison, invisible à tout visiteur, et peut à peine entrevoir sa propre fille. L’image de la femme combattante qui veut imposer sa volonté et ses choix face au patriarcat en prend un sacré coup. Le recul que donne ce troisième tome sur les personnages n’est pas très joyeux : les femmes suivent/subissent les vies de leur maris. Malgré les apparences de rébellion, pas une n'a véritablement réussi à sortir des carcans de la société patriarcale. Encore plus triste (mais là, je suppose que c’est aussi que la romance devait faire partie du cahier des charges des romans), pas une femme n’existe en tant qu’individu seul. Elles sont toutes liées à un homme (sauf une, secondaire, dans le premier tome), alors qu’il y a de nombreux exemples de personnages masculins suivant leur chemin de leur côté. Aux histoires de ces trois tomes, il faut rajouter l’arrière plan. Car si les héroïnes ont à peine fait bouger quelques lignes, il faut reconnaître qu’on ne pouvait pas non plus avoir des personnages qui pouvait tous se permettre : il y a un univers à respecter. De manière personnel, j’aurais préféré que les individus féminins puissent faire de plus beaux coups d’éclat, mais cela à au moins le mérite d’être cohérent. De plus, dans ce monde si cruel pour ses habitants, Andrea Schwartz se permet quelques remarques au travers de ses personnages, des remarques qui font plaisir à lire (et qu’il faut apparemment répéter dans notre monde actuel). Je pense notamment aux messages sur la valeur de la virginité d'une femme ; les héroïnes démontent ce credo : elles seules décident de leur sexualité et de la valeur qu'elle lui donne. Une notion pas toujours bien intégrée dans la tête de certains de nos contemporains, et c'est bien dommage. L’auteure maîtrise bien tout son univers, sa politique, ses mœurs, son Histoire, elle nous y raconte des récits épiques, dont le côté féministe est indéniable. Pourtant, plusieurs détails, mis en valeur au bout de plusieurs opus, réduisent le potentiel militant de la saga. Si vous êtes arrivés jusque là (félicitations), je conclurai en disant que ceci est un avis très personnel, sans doute un peu brouillon, et très orienté sur les trois premiers livres de la saga. Et que s’il est peut-être un peu mitigé, il n’enlève rien à mon appréciation de la série. J’aime ces trois romans, Andrea Schwartz écrit très bien, elle a pris grand soin de créer un univers cohérent, avec une atmosphère qu’on ne voit que peu en fantasy « classique », des personnages entiers, passionnés et que j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre. Chaque tome à ses points forts, la romance et les batailles du premier tome m’ont enchantées, j’ai aimé le côté hors du temps du deuxième et la découverte d’une nouvelle civilisation (tellement plus proche de la notre), ou le côté toujours plus politique du troisième livre. Ceci était une invitation à vous plonger dans cette série. Parce qu’il y a des choses à lire (y compris un quatrième tome, dans lequel je vais de ce pas me plonger). A lire si :
- vous avez envie de me dire que je raconte n'importe quoi - vous aimez les histoires épiques tout en étant personnelles - vous aimez les ambiances asiatiques En voilà un livre qui m'a énervée. Ce qui est toujours mieux que m'ennuyer, mais n'est pas beaucoup plus satisfaisant.
Dans ce livre de quelques 200 pages, nous suivons Camille, atteinte d'une dépression depuis de nombreuses années. Fatiguée par la vie, elle décide d'en appeler à l'euthanasie active, et programme sa mort dans la dignité. A la vue du sujet, ainsi que je l'avoue des très nombreuses critiques positives, j'ai surmonté mon avis négatif concernant l'auteure, et je me suis plongée dedans. On entre dans le vif du sujet dès les premières pages. La narratrice nous explique dans un long prologue comment elle en est arrivée à souhaiter et à attendre sa mort. Puis, l'histoire commence le 16 janvier 2016, avec sa mort imminente comme fil rouge : Camille mourra le 6 avril 2016. Le début est bon. Bien que je ne puisse probablement pas comprendre sans les vivre l'étendue des dégâts que créé une dépression, ces premiers chapitres en donnent malgré tout une bonne vision. Et ont le mérite d'ouvrir une discussion sur l'euthanasie active. Mais malheureusement, sur ce sujet, c'est tout le bien que je peux dire du livre de Sophie Jomain. Je suis restée complètement en surface, spectatrice de la souffrance de Camille, plutôt que d'y compatir. Du coup, sur la question du suicide assisté en général, dans le cas d'une dépression en particulier, je n'ai pas l'impression que ma lecture m'ait offerte de nouveaux points de vue ou de nouveaux arguments en faveur ou en défaveur de la pratique. Peut-être est-ce parce que je suis déjà plutôt ouverte à la question, même si je reconnais que ce choix est plus compliqué à gérer une fois qu'on y est confronté (mais là aussi, je suis resté extérieure aux personnages, et n'ai pas pu compatir avec ceux qui souffraient du choix de la narratrice). Sur le sujet du débat sur l'euthanasie active, je suis déçue. Mais en ce qui concerne le récit du parcours de Camille, là, je suis vraiment énervée. Franchement, pourquoi est-ce qu'on nous a collé une histoire d'amour là-dedans ?! Au final, et sans dévoiler la chute, je n'ai pas eu l'impression de lire un roman sur le suicide assisté, mais une histoire dont la morale est "un homme qui t'aime guérit tout, même la dépression ; bisous". La dépression de Camille s'aggrave à la suite de plusieurs histoires amoureuses humiliantes, et son humeur s'allège au contact d'un nouvel homme, lui respectueux. Est-ce qu'on n'aurait pas pu échapper au cliché de l'homme qui vient sauver la femme en détresse ?! Et puisque vraiment Camille avait visiblement besoin d'une aide extérieure, est-ce qu'elle n'aurait pu être celle d'un frère, ou d'une amie ? La cerise sur le gâteau étant bien évidemment l'épilogue, qui m'a satisfaite 5 minutes car je ne m'y attendais pas du tout, et puis qui m'a finalement achevée, ne rendant absolument pas justice au sujet douloureux qui était traité. Quand la nuit devient jour n'était pas une bonne lecture pour moi. Je la recommande pourtant, d'abord parce que je fais partie de la minorité n'ayant pas adoré le roman, et ensuite parce que même si je trouve que le travail est bâclé (Sophie Jomain et moi, c'est officiellement terminé), le livre a au moins le mérite de provoquer discussion et réflexion. A lire si : - vous êtes curieux sur le sujet de la dépression et de l'euthanasie active Attention, moment spoil, je vais rager. Je veux rager. - Est-ce que pour une fois, et dans la mesure où Camille souffre de profonds troubles alimentaires, et puisqu'il fallait apparemment qu'il y ait une romance, l'héroïne n'aurait pas pu être grosse (ouuuuuh, le gros mot) ? Non, là, encore une fois, le héros se plaint que sa compagne est trop maigre (parce qu'on ne dit jamais que quelqu'un est trop gros, bien sûr). Non, les grosses n'ont pas droit au sexe sauvage après avoir défoncé une porte. - C'est peut-être moi qui m'acharne/qui ne comprends rien, mais si Camille a autant en horreur son reflet, son image, le fait qu'on la regarde, pourquoi veut-elle absolument se faire belle pour un rendez-vous ? Je suppose que c'est une nouvelle fois l'amour qui guérit tout, et puis, il fallait bien que le héros s'épanche sur combien il trouve Camille belle, mais bon... - Camille est forte, nous dit-on. D'accord, pourquoi pas. Mais je ne vois pas en quoi organiser ses funérailles, quand on programme sa mort, est un témoignage de force. Ce qui l'aurait rendu plus courageuse, ç'aurait été par exemple de défendre son choix face aux inconnus qui ne le comprenait pas, en tout cas à mes yeux. - 60 jours pour tomber amoureux. Alors, je suis peut-être une blasée de la vie, mais j'ai du mal à voir comment 60 jours peuvent suffire à suffisamment découvrir quelqu'un pour dire qu'on l'aime (surtout quand on n'est pas constamment avec). La voir rigoler quand elle mange des huîtres, ou le voir accepter une invitation dans une pizzeria, en ce qui me concerne, ça ne me suffit pas (mais je suppose que le syndrome de la fille en détresse qui se fait sauver par un héros en armure mais avec des failles a encore frappé). - Cette fin. CETTE FIN. Camille avait pris UNE décision, une vraie décision, pour elle, qui elle le pensait l'empêcherait de continuer à souffrir. Et au final, ce choix, elle se le retire, d'elle même, et le confie à un tiers/au hasard. "Si tu lis cette lettre avant que je ne meurs et que tu veux l'arrêter, alors d'accord", ou, comment détruire le peu de bon sens que le livre avait au sujet du mal-être de l'héroïne. Rage, rage, rage. |