Mesdames et messieurs, souvenez vous bien du titre de cette série, The Nevernight Chronicles. Parce que si vous la voyez un jour éditée en France (ou tout autre pays francophone, je suis sympa), achetez-la, empruntez-la, faites tout ce que vous pouvez pour pouvoir la lire. Et si vous avez déjà un bon niveau en anglais, sautez dessus. Vraiment. Qu'est-ce que vous faites encore là ?
Parce que c'était tellement bon. J'avais adoré Nevernight. Je crois que j'aime encore plus Godsgrave. J'ai pourtant eu très peur. En effet, une grande partie de l'action de ce 2e tome se déroule dans une arène, notre personnage principal Mia participant à des combats de gladiateurs en tant qu'esclave combattante. Écrire un 2e tome avec pour "seule" péripétie un concours, de n'importe quelle nature, c'est du déjà vu 100 fois, et surtout, cela permet d'offrir de l'action sans pour autant faire avancer le scénario global. Mais pas dans Godsgrave. Ce serait manquer de respect à l'auteur Jay Kristoff ; parce que oui, évidemment qu'il en profite pour offrir au lecteur des scènes de spectacle grandioses. Mais c'est surtout l'occasion pour lui de développer encore plus le caractère de Mia, son rapport à son douloureux passé, et aussi d'affiner sa mission. Elle choisit ici de devenir une victime, une esclave du système politique qui l'a vu grandir, pour mieux réussir son plan, mais cela l'amène à se poser des questions sur la justice de la société qui l'a engendrée. Sa vengeance devient encore plus grande, elle ne veut plus se battre que pour son profit, elle veut faire tomber la République pour tous ceux qu'elle massacre. De la part d'un personnage dont on nous a promis dans le premier tome qu'elle ne serait jamais une héroïne, c'est plutôt fort. Donc oui, il y a de l'action, un paquet de révélations, et également de l'introspection. Il y a clairement tout ce qu'il faut pour amuser le lecteur, l'impliquer, et le faire se questionner. Perfection. (Et on en parle de cette fin ?!) Je plains déjà mes futures lectures, qui feront probablement bien pâle figure face au monument (n'ayons pas peur des mots) que je viens de finir. J'insiste toutefois sur le bon niveau en anglais, car un mois après avoir lu le premier tome, j'ai tout de même eu du mal à m'immerger à nouveau dans l'histoire, la faute à ce style riche et soutenu, et tellement particulier. J'ai dû "gâcher" un tiers du bouquin à le lire page par page, parce que je n'arrivais pas à rentrer dedans. Cependant, bien que ce style si particulier soit la source d'une frustration pendant ma lecture, il est aussi source du plus grand des plaisirs. Parce que c'était excellent. Les voix des personnages, du narrateur, et celle de l'auteur se mélangent pour nous offrir des scènes exceptionnelles, mais aussi et surtout pour briser régulièrement le 4e mur, et nous invectiver en nous intégrant encore plus dans le récit. Car comme dans le premier tome, les notes de bas de pages sont de retour, pour mon plus grand plaisir (j'ai lu cet opus en physique et non plus en numérique, ce qui m'a permis de ne pas en louper une). L'auteur et le narrateur se foutent littéralement de notre gueule (comme si les péripéties infligées à Mia n'étaient pas suffisantes pour nous faire souffrir), et c'était bon. En dehors de cette narration si originale, l'écriture est toujours très visuelle, les scènes de combat sont époustouflantes (ceci étant dit par une fille qui n'aime généralement pas les scènes de baston), je voyais littéralement Mia dégoulinante de sang debout sur le sable de l'arène : l’œuvre est belle, riche en images, l'esthétique est hyper léchée, un peu à la Rose Morte. Les scènes plus intimistes sont également très réussies, créant toujours l'ambiance adéquate (au choix, propice aux révélations, à la sensualité, à l'amitié, ou juste au fun). Alors oui, le style est compliqué à appréhender, mais une fois cela fait, ce n'est que pure délice. Je voudrais pouvoir prolonger toujours plus l'expérience. Le troisième tome ne sort qu'en septembre de cette année, l'attente va être très longue. Je n'ai aucun doute quant au fait que Jay Kristoff nous sortira un final à la hauteur des deux premiers opus. Vivement. A lire si : - vous aimez lire
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A la fin de l'année précédente, j'avais adoré le premier tome d'Ysambre (et écrit une chronique que je me rappelle comme suffisamment bizarre pour ne pas vouloir me relire). En plein arrêt grippal, j'avais très envie de m'en aller très loin de mon lit, et le deuxième opus de ces albums, La Femme Graine, me tendait les bras. Et c'était bien. C'était même encore mieux que le premier du nom, c'est dire. L'histoire de La Femme Graine clos et reprend juste après celle du Monde-Arbre, et, chose agréable, il y a même un rappel de ce qui se passe précédemment (et vu mon ressenti fort brumeux du premier tome, ce fut apprécié). Le scénario prend le temps de reposer son ambiance dans la première partie, pour finir peut-être un peu trop rapidement, mais cela reste un défaut assez mineur (et peut-être même un peu biaisé, car il est très probable que je voulais juste que le tout se continue encore). En fait, je ne sais même pas trop quoi dire. Je n'ai pas du tout l'habitude de lire des albums, je ne savais pas à quoi m'attendre en ouvrant Ysambre. J'aurais aimé connaître mieux les personnages, mais forcément, il y a nettement moins de texte que dans un roman de 400 pages, ça ne me parait donc pas être un reproche valable (juste un regret, et encore). Quand à la structure du récit, là encore, je ne sais pas où est la norme pour ce genre de conte. Tout ce que je sais, c'est que cela m'a immensément plu. Les dessins renforcent l'immersion, et appuient bon nombre d'événements. Le livre est beau, dans tous les sens du terme, pas seulement dans ces dessins (qui m'ont par ailleurs plusieurs fois scotchés devant une page). L'histoire, écologique, est tout à fait d'actualité, et réserve son lot de surprises. Alors voilà. Si vous cherchez une lecture fantasy rapide, si vous cherchez à vous en mettre plein les mirettes, si vous voulez un conte écologique, si vous aimez être émerveillés, je ne peux que vous conseiller Ysambre. Les yeux fermés. Je continue mon petit tour du monde des auteurs (enfin j'essaye). Je vais bientôt arriver sur la terre des fictions, mais pour l'instant, je suis toujours sur les essais féministes avec Sexe et Mensonges de Leïla Slimani, qui fait suite à ma lecture de Chinoises de Xinran. Si je n'étais pas si flemmarde et flippée de dire des bêtises, j'aurais pu faire une étude comparative tant les deux œuvres ont en commun. Les deux sont des recueils de témoignages des femmes du pays des auteures (le Maroc, dans le cas de Mme Slimani), des témoignages sur leur condition féminine, sur ce qu'elle leur coûte, sur ce qu'est leur vie, mais aussi leurs regards sur le monde et la société dans laquelle elles vivent. Ces bribes d'histoires sont toutes assemblées en une en même temps que Xinran et Leïla Slimani racontent leur propre vie ; surtout, pourquoi elles écrivent leur livre. On retrouve donc, à des milliers de kilomètres de distance, les mêmes femmes. Plus ou moins les mêmes souffrances, avec bien évidemment les différences culturelles obligatoires (l'Islam tenant une bonne place dans la société marocaine). Ici, Leïla Slimani a choisi de rapporter à peine moins de témoignages, et de moins insister sur les actes de barbarie commis (viol, mariage forcé, etc), en appuyant plus sur la barrière immense que forme la notion d'honneur dans ce pays, qui interdit tout geste d'affection en public (et ce qui s'en suit), et qui l'enferme donc dans un vaste mensonge. Elle parle beaucoup d'Islam, avec détachement, sans encenser ou condamner la religion, toutes les religions. Mais ces croyances sont là, et l'instrumentalisation qu'en font certains créé des ravages. Des ravages pour toute la population, car les hommes aussi se retrouvent perdus au milieu de ces interdits, de ces yeux fermés sur tout un pan de la vie des gens. Autre point de divergence avec Chinoises, Sexe et Mensonges nous livre aussi des témoignages masculins, sur ce qu'ils pensent de cette société, comment ils veulent élever leurs fils et leurs filles, leur inculquer des valeurs en tout point différentes de celles promues par la loi. Pourtant, il reste bien un livre sur la condition féminine, et ce sont les femmes et leur double identité pas toujours maîtrisée (celles qu'elles sont chez elles, celles qu'elles sont au dehors) qui intéressent Leïla Slimani. En accordant beaucoup d'importance à leur vie quotidienne, pas seulement aux nombreuses épreuves qu'elles ont traversées mais bien à ce qu'elles voudraient faire si seulement elles en avaient le droit (vivre en concubinage, à titre d'exemple), l'auteure fait ressortir de ces interlocutrices un sentiment de rébellion. Quasiment toutes les femmes dont les propos ont été rapportés veulent se détacher de ces lois et morales qui les empêchent de vivre, accomplissent quotidiennement de petits et grands actes de résistance (vivre en concubinage, à titre d'exemple). Elles pourraient toutes aller en prison, pourtant aucune ne dénonce publiquement les abus de pouvoirs, aucune ne commence une révolution telle qu'on l'imagine. Mais par de petits actes de défiances, elles se construisent une vie à laquelle elles ne devraient pas avoir accès, et cela permet de refermer l'essai sur une vraie pointe d'optimisme qui fait immensément plaisir. Sexe et Mensonges est donc un ouvrage instructif, mais pas seulement, car il fait souffler un petit vent de rébellion universel, qui ne reste pas qu'au Maroc. Je recommande chaudement. A lire si : - vous avez aimé Chinoises de Xinran - vous êtes intéressé par le Maroc Je suis une quiche en débat. Et ça me rend très triste. Peu importe le sujet, je perds mes moyens ; si mon avis était très superficiel, ce n'est pas très grave, mais quand mes convictions sont plus profondes, je suis toujours très déçue de ne pas avoir pu vraiment débattre avec mes interlocuteurs, que l'on ait pas pu frotter nos arguments. C'est donc pour couper court à cet état de fait que j'ai commencé le Manuel d'auto-défense intellectuelle. Bien que ce ne soit pas du tout ce à quoi je m'attendais, je suis plutôt satisfaite. Car avec un titre pareil, je m'attendais à un contenu du type L'Art d'avoir toujours raison. Mais l'auteure Sophie Mazet reste beaucoup plus pragmatique dans son discours, et structure son essais en divers chapitres construits en mode "comment vous en sortir face à tel sujet, face à telles montagnes d'idées ?". Du type de la laïcité, les informations en générales (journaux et télévisions), la publicité, les séries télévisées, les arguments scientifiques. Toutes les sections sont bien faites, rédigées avec beaucoup d'humour ("Quand Nadine Morano va à la plage, est-elle laïque ?" - désolée si ça ne vous a même pas esquissé un sourire), et permettent de se poser les bonnes questions, de tenter de sortir une information juste, quand on discute à la fois avec une personne lambda, mais également quand ces idées nous sont soufflées aux travers du prismes des médias ou de la science. En bref, de ne plus se faire manipuler, de faire notre propre effort intellectuel, de vérifier les informations, de coupler les sources pour connaître tous les angles d'une affaire. Un travail difficile et parfois rageant, mais qui permet d'échapper à de nombreux pièges quotidiens (du type s'énerver tout seul sur une fausse nouvelle par exemple). S'offrir ce genre de recul de temps en temps est extrêmement important. Je n'ai qu'une seule petite déception, parce que je cherchais un essai avec un sujet un peu autre, j'ai parfois regretté que Sophie Mazet et ses sections n'entrent pas beaucoup dans les détails. Il est à peine fait mention d'analogie ou d'argument d'autorité, qu'il est pourtant bien pratique de savoir reconnaître lorsque l'on écoute quelqu'un disserter. Je ne suis pas là pour vous convaincre d'ouvrir ce manuel (vous voyez ce que je suis en train de faire ?). Pourtant, même si je n'y ai pas trouvé tout ce que je cherchais, il est très instructif, et son faible nombre de pages en font un bon candidat pour une future lecture. Et je pense que tout le monde aurait à y gagner à ne serait-ce que le feuilleter. A lire si : - vous cherchez un essai sur comment chercher de bonnes informations |