J'avais dit que je voulais lire des auteurs étrangers en 2018. L'année commence bien. Chinoises est un livre de mémoires, les mémoires de la journaliste Xinran, mais également les mémoires de dizaines d’autres chinoises, de leurs vies, de leurs histoires, souvent passés sous silence. Entre les lignes, ce sont des milliers de témoignages qui nous sont présentés.
Tout commence par une interrogation de la journaliste : qui sont les chinoises ? Elle se pose cette question au début des années 90, alors qu’elle anime une petite animation de radio. Avec sa notoriété va grandir la somme des appels qu’elle reçoit, et le demi-milliard de femmes peuplant l’Empire du Milieu va se dessiner. Ce que le monde considérait comme une masse informe, indigne d’attention (mais pourquoi demander à des paysannes illettrées du fin fond de la Chine ce qu’elle peuvent bien avoir à dire ?) va prendre la parole aux travers des mots de Xinran. Des histoires souvent similaires et pourtant toutes différentes, l’histoire de femmes qui ont subi de plein fouet la Révolution Culturelle de Mao, qui a brisé de nombreuses vies. Il est difficile de retranscrire en quelques mots le sentiment que l’on a à la lecture de ce livre. De la Révolution Culturelle, je savais peu de choses, sinon qu’elle avait engendré famines, maladies et morts. Ce contexte rend le sort des chinoises encore plus tragiques, alors même qu’il est semblable à celui de femmes de beaucoup d’autres nationalités (difficulté d’accès à l’éducation, viol, statut impossible de mère et de putain, travail double aux champs et à la maison, difficulté à faire entendre sa voix, la liste est encore et toujours longue (auquel s’ajoute le meurtre d’enfants de sexe féminin à la naissance dû à la politique de l’enfant unique, pas mentionné dans l’ouvrage)). La multiplicité des témoignages rend la chose d’autant plus forte. Ce n’est pas une seule personne qui a eu tout le malheur du monde sur ses épaules. Non. Il s’agit bien d’un sort commun, la plaie d’être née femme dans la Chine de la deuxième moitié du XXe siècle. Elles ont toutes souffert, beaucoup ont tenté des actes de résistances contre ce qui apparaît presque comme une destinée, certaines ont dû abandonner, d’autres ont pensé leur existence naturel. Elles avaient toutes quelque chose à dire, méritaient d’être écouté. Xinran leur a rendu cela. L’écriture de la journaliste est très factuelle, rendant la lecture fluide, se concentrant sur les récits sans tomber dans l’émotion. Ce qu’elle raconte a été une réalité pour des millions d’individus, l’est encore pour des femmes en Chine et dans le monde. Son propre récit (étonnant également) se mêle à celui des autres, donnant toujours envie d’y revenir. Chinoises est un excellent livre, féministe, qui relate l’histoire des Hommes au travers de la voix des femmes. Encore. A lire si : - vous voulez en savoir plus sur la Révolution Culturelle chinoise - vous aimez les livres témoignages
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