Pour réussir à écrire un livre qui me plaît, il y a de nombreux moyens. Bien sûr, j'ai mes préférences, mais je ne suis hermétique qu'à peu de choses. Il y a cependant une condition sine qua non, un élément, un seul, qui soit maîtrisé. Et c'est probablement le plus compliqué : le rythme. Trop rapide, trop lent, mal géré, et je ne finis pas ma lecture. Pour ma première lecture d'un Stephen King, force est de constater qu'il n'est pas un des auteurs les plus connus au monde pour rien. Marche ou Crève est un des premiers romans de Stephen King, publié sous le pseudonyme de Richard Bachman. Il raconte l'histoire de Ray Garraty, un jeune homme de seize ans qui participe à la Longue Marche dans une Amérique dystopique. De ce monde nous ne connaîtrons que le folklore de cette Longue Marche, accessible uniquement aux mineurs, 100 chaque année, et qui une fois inscrits se doivent d'aller jusqu'au bout : être le dernier participant encore debout, celui qui marchera le plus longtemps. Tout ceux qui descendront en dessous de la vitesse autorisée ou qui s'arrêteront seront éliminés. L'ultime marcheur deviendra riche, célèbre, et pourra demander un Prix au mythique Commandant organisateur de la marche.
Voilà, c'est là toute l'histoire, et le lecteur ne saura pas grand chose de plus de ces futurs Etats-Unis d'Amérique. Sur 280 pages, on ne suit que Garraty et ces concurrents en train de marcher. Cela parait un peu léger, non ? Moi aussi, j'ai eu cette impression. Et pourtant. Quel rythme. Stephen King le gère avec brio, s'en sert pour retransmettre l'état mental des marcheurs. Au début, il s'écoule lentement, à l'image des participants, la première après-midi et surtout la première nuit sont intensément longues, on n'en voit pas le bout. En bonne lectrice habituée aux ellipses temporelles (et à ma bonne nuit de sommeil), j'étais aussi perdue que Garraty. Comment ça, pas de pause ? Moi qui déteste les page-turner, qui préfère savourer un roman, j'en ai été pour mes frais, et, une fois n'est pas coutume, pour mon plus grand plaisir. Les personnages devaient marcher. Moi, je devais lire. Ils devenaient fous, ils souffraient, moi avec. Ce fut une lecture horrible mais saisissante. Car plus la marche avance dans le temps, plus celui-ci défile rapidement. Ray ne regarde plus sa montre tous les quarts d'heure mais toutes les deux heures. Beaucoup de camarades tombent au début, Ray découvre la marche, ses compagnons, et lui même ; à la fin, lui et les derniers concurrents qui lui dispute la victoire ne font plus que marcher. C'est tout. Et le lecteur assiste en direct à la torture. Car évidemment, Garraty n'est pas le seul à souffrir. Au début, les personnes qui l'entourent sont plutôt floues, et s'il se fait rapidement des amis, j'ai mis du temps avant de repérer qui était qui dans cette masse (sauf DeVries et Stebbins, tout simplement excellents). Et puis, au fil des discussions entre chacun, au fur et à mesure des récits de leur vie et des leurs impressions sur cette épreuve, ils se dessinent. Eux, et ce qui les a poussé à s'inscrire. Leur fatalité, une fois partis dans cette marche, leur goût de la vie, la crainte et l'attente de la mort. Ça fait philosophie de comptoir ? Permettez-moi de vous dire que non. Marche ou Crève n'est pas un récit porté sur les personnages, le lecteur reste plutôt externe à qui ils sont au fil de la lecture. Mais pas à la façon des Magiciens ou de Guerre et Paix : je ne me suis pas identifié aux protagonistes, pas plus que je n'ai tissé des liens avec eux. Mais j'étais avec eux. J'ai souffert avec eux. J'ai compris avec eux. Bref. Ce fut une lecture hors du temps, haletante, lente et effrénée. Je ne savais définitivement pas dans quoi je mettais les pieds. A lire si : - vous voulez découvrir la plume de Stephen King - vous aimez les lectures qui prennent à la gorge
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