(ouais bon d'accord, j'ai déjà fait mieux comme titre...) Quelque part au milieu de ce documentaire (très chouette, je recommande) sur le Seigneur des Anneaux, G.R.R. Martin est interviewé et raconte son expérience de lecture de la trilogie. Que de l’année où les aventures de Frodon et ses compagnons de voyages sont sorties, il garde très peu de souvenirs du « monde physique », ou du moins, rien de vraiment concret ; peut-être un devoir, ou un anniversaire, mais pas grand-chose de plus. Cependant, il se souvient parfaitement du périple jusqu’au Mordor. Qu’a-t-il donc vécu le plus intensément, la vie réelle, ou celle de fiction ? La série Rose Morte s’inscrit dans cette lignée de récits qui nous imprègnent, qui procurent des émotions réelles, qui prennent à la gorge. De tome en tome, le romantisme (au sens littéraire) prend de plus en plus de place, alors même que ce que ressent le personnage principal s’éloigne de plus en plus du monde humain, pour s’enfoncer loin dans le monde infernal et fantastique qui est le sien. Dans ce quatrième livre, intitulé Ikebana, le lecteur constate (sans surprise) une nouvelle ellipse. Nous sommes à présent en 1986, à New-York ; Rose a pris la fuite, Vassili avec elle. Cela fait 43 ans qu’elle n’a pas revu son mentor ou son frère, et qu’elle s’interdit toute correspondance avec eux. Et la distance ne lui réussit pas, l’auteure Céline Landressie ayant réussit à faire d’Ikebana un roman encore plus sombre et que le précédent, qui n’était pourtant pas aidé par le contexte historique et les événements dépeints. Ici, Rose est triste, aigre, et flirte parfois avec la folie. Son servant fait ce qu’il peut, mais seule une personne peut vraiment l’aider. Si de nouveaux éléments viennent éclairer les rapports entre Artus et Rose, les deux n’ont pas finis de se blesser l’un l’autre. En parallèle, d’autres relations au sein du quatuor évoluent (effectivement, ce chapitre 8, et le pacte, bien sûr), mais rien ne se fait sans heurt. On croise très peu de protagonistes autres que Rose, Vassili, Adelphe et Artus (même Gabriel, pourtant cité dans le résumé, n’est que peu présent), ce qui laisse le lecteur libre d’analyser chaque geste des héros. Et également des les admirer dans leur quotidien. Céline Landressie agrémente son récit de nombreuses descriptions, sur les décors mais également sur les geste réalisés par ses personnages. Cela rend le livre extrêmement visuel, et pourrait parfois verser dans l’excès, d’autant qu’un opus après l’autre, cela me semble toujours plus marqué : ses personnages sont tous des gravures de mode, avec une gestuelle très étudiée. En un mot, je dirais glamour. Pourtant, cela ne choque pas. Les Arimath et leurs comparses des autres maisons appartiennent à un autre monde, avec ses propres codes. Il n’a pas vocation a être réaliste, et l’esthète fait partie intégrante de celui-ci. Ce parti pris, qui peut gêner certains lecteurs, je l’ai pleinement accepté, et il renforce encore plus l’immersion dans ce monde hors-norme. L’histoire, la mythologie dépeinte, l’écriture très riche de Céline Landressie, Ikebana s’inscrit dans la même lignée que les trois tomes précédents : romantique, complexe, noir, et en ce qui me concerne, j’aime toujours autant. Les personnages y sont pour beaucoup. Les découvrir dans une nouvelle époque m’a évidemment donné un grand sourire. Rares sont les moments de détente ou de repos pour eux, mon cœur s’est maintes fois serré devant l’amertume de leur histoire. Devant les choix qu’ils doivent faire. Devant ce qu’ils doivent subir, et les extrémités auxquelles ils sont réduits. Même entre eux (surtout entre eux), alors qu’on pourrait espérer que leur quatuor soit pour eux une bulle dans laquelle ils peuvent respirer, les non-dits et les secrets sont rois. Impossible de ne pas s’attacher à eux, de ne pas souffrir avec eux. Et il est heureux d’avoir des protagonistes attachants. Car face à l’intrigue tentaculaire qui s’impose à eux, même le lecteur a besoin d’alliés. Ikebana est l’opus qui fait le plus avancer l’histoire en terme de révélations, qui permet vraiment de lier les différentes intrigues entre elles. Mais rien n’est facile. Et c’en est presque frustrant, parce que je ne sais pas si c’est moi qui suit débile, mais soyons honnêtes, je suis sûre que j’ai loupé la moitié des indices disséminés dans les 570 pages. J’avais le flair pour reconnaître (un peu) à l’avance les développements entre les personnages (évidemment qu’on allait revoir Josué), mais pour l’intrigue politico-policière, c’est sûr, je suis à la masse. Céline Landressie avait prévenu sur facebook, ce quatrième livre est le plus riche en terme d’indices, et elle n’a pas menti. Le lecteur peut avoir une nouvelle théorie par chapitre (et d'ailleurs, les spéculations que j'avais faites avant la lecture se sont avérées tellement fausses). Maintenant soyons claires, je râle un peu, mais je préfère ça à une intrigue cousue de fil blanc. Et puis, en plus d’une future (énième) relecture de la saga, peut-être irais-je faire un tour sur le forum de la Ronceraie, histoire de voir à quel point je suis à côté de la plaque. Donc voilà, Ikebana, c’est encore un bon livre. Une excellente œuvre. Un récit intelligent et qui prend à la gorge. Avec ces quelques lignes, j’ai maladroitement essayé de vous donner envie de vous lancer dans cette aventure démarrée il y a quatre siècles, mais bien sûr, il est toujours plus facile de bâcher un livre que d’en louer un, même quand on argumente dans les deux cas. Je conclurai donc en vous disant que si voulez vivre une aventure inhumaine mais avec des sensations bien réelles, vous pouvez ouvrir un livre de Rose Morte. Sinon, pour finir sur mes capacités d’enquêtrice, j’ai essayé de traduire la phrase en japonais sur gtrad, ça m’a donné « Eagle est au sommet de ma tête ». Je vais aller loin. Sinon-bis, je n’ai pas vraiment envie de ternir un tant soit peu cette chronique, mais il fallait quand même le dire : Milady n’a pas fait un travail fantastique en terme d’édition. Il manque un ou deux mots, et surtout, à de nombreuses reprises, les tirets de dialogues sont manquants, ainsi que les retours à la ligne (toujours dans les dialogues), ou à l’inverse en trop grand nombre, coupant une phrase sans raison. Déjà que mon cerveau est mis à rude épreuve avec le récit, j’aurais bien aimé ne pas bugger un chapitre sur deux pour ces raisons. (Seule condition de pardon de ma part, que Milady publie les récits spin-offs de Rose Morte.)
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