Je continue mon petit tour du monde des auteurs (enfin j'essaye). Je vais bientôt arriver sur la terre des fictions, mais pour l'instant, je suis toujours sur les essais féministes avec Sexe et Mensonges de Leïla Slimani, qui fait suite à ma lecture de Chinoises de Xinran. Si je n'étais pas si flemmarde et flippée de dire des bêtises, j'aurais pu faire une étude comparative tant les deux œuvres ont en commun. Les deux sont des recueils de témoignages des femmes du pays des auteures (le Maroc, dans le cas de Mme Slimani), des témoignages sur leur condition féminine, sur ce qu'elle leur coûte, sur ce qu'est leur vie, mais aussi leurs regards sur le monde et la société dans laquelle elles vivent. Ces bribes d'histoires sont toutes assemblées en une en même temps que Xinran et Leïla Slimani racontent leur propre vie ; surtout, pourquoi elles écrivent leur livre. On retrouve donc, à des milliers de kilomètres de distance, les mêmes femmes. Plus ou moins les mêmes souffrances, avec bien évidemment les différences culturelles obligatoires (l'Islam tenant une bonne place dans la société marocaine). Ici, Leïla Slimani a choisi de rapporter à peine moins de témoignages, et de moins insister sur les actes de barbarie commis (viol, mariage forcé, etc), en appuyant plus sur la barrière immense que forme la notion d'honneur dans ce pays, qui interdit tout geste d'affection en public (et ce qui s'en suit), et qui l'enferme donc dans un vaste mensonge. Elle parle beaucoup d'Islam, avec détachement, sans encenser ou condamner la religion, toutes les religions. Mais ces croyances sont là, et l'instrumentalisation qu'en font certains créé des ravages. Des ravages pour toute la population, car les hommes aussi se retrouvent perdus au milieu de ces interdits, de ces yeux fermés sur tout un pan de la vie des gens. Autre point de divergence avec Chinoises, Sexe et Mensonges nous livre aussi des témoignages masculins, sur ce qu'ils pensent de cette société, comment ils veulent élever leurs fils et leurs filles, leur inculquer des valeurs en tout point différentes de celles promues par la loi. Pourtant, il reste bien un livre sur la condition féminine, et ce sont les femmes et leur double identité pas toujours maîtrisée (celles qu'elles sont chez elles, celles qu'elles sont au dehors) qui intéressent Leïla Slimani. En accordant beaucoup d'importance à leur vie quotidienne, pas seulement aux nombreuses épreuves qu'elles ont traversées mais bien à ce qu'elles voudraient faire si seulement elles en avaient le droit (vivre en concubinage, à titre d'exemple), l'auteure fait ressortir de ces interlocutrices un sentiment de rébellion. Quasiment toutes les femmes dont les propos ont été rapportés veulent se détacher de ces lois et morales qui les empêchent de vivre, accomplissent quotidiennement de petits et grands actes de résistance (vivre en concubinage, à titre d'exemple). Elles pourraient toutes aller en prison, pourtant aucune ne dénonce publiquement les abus de pouvoirs, aucune ne commence une révolution telle qu'on l'imagine. Mais par de petits actes de défiances, elles se construisent une vie à laquelle elles ne devraient pas avoir accès, et cela permet de refermer l'essai sur une vraie pointe d'optimisme qui fait immensément plaisir. Sexe et Mensonges est donc un ouvrage instructif, mais pas seulement, car il fait souffler un petit vent de rébellion universel, qui ne reste pas qu'au Maroc. Je recommande chaudement. A lire si : - vous avez aimé Chinoises de Xinran - vous êtes intéressé par le Maroc
2 Commentaires
2/8/2018 09:19:36 am
Lire les deux livres presque à la suite n'était pas prévu, mais ce fut une bonne surprise, les deux œuvres ayant beaucoup en commun mais pourtant un traitement un peu différent. Bonne lecture à toi :)
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